Dans sa livraison de septembre-octobre 2024, la revue américaine Foreign Affairs propose à ses lecteurs deux articles particulièrement pertinents par leur éclairage sur la politique étrangère américaine dans le contexte de l’élection présidentielle de novembre 2024 ainsi que par leur complémentarité et les interrogations et réflexions qu’ils suscitent.
Parmi les revues – Présidentielle américaine : ambiguïtés et défis de la politique étrangère des États-Unis (T 1649)
Couverture de la revue Foreign Affairs de septembre-octobre 2024
Dans un premier article, Condoleezza Rice, ancienne conseillère pour la sécurité nationale à la présidence américaine (2001-2005) et secrétaire d’État américaine (2005-2009), actuellement directrice de la Hoover Institution, signale le danger que constituerait aussi bien pour les États-Unis que pour le monde un repli de l’Amérique du champ des affaires internationales (1). Les analystes aimant se référer à l’histoire, la situation internationale actuelle peut rappeler à certains égards l’époque de la guerre froide, la Chine ayant pris la place de l’Union soviétique. Cette comparaison n’est pas appropriée car la Chine a mis fin à son isolement depuis longtemps et ne propage pas son idéologie dans ses échanges internationaux. Enfin, et de manière plus évidente, au temps de la guerre froide, les deux superpuissances s’ingéniaient à éviter tout conflit direct entre elles alors qu’aujourd’hui, Pékin n’est pas avare de provocations directes envers Washington. L’agressivité militaire de la Chine contre Taïwan pourrait finir par rompre un équilibre fragile, d’autant qu’il n’existe pas de moyen de communication type « téléphone rouge » entre les deux capitales. Des contacts de « militaire à militaire » ont été établis début 2024 mais sont loin d’avoir encore l’efficacité envisagée. De son côté, la Chine accroît ses moyens militaires rapidement : aujourd’hui sa marine est la première mondiale en tonnage et ses progrès en nouvelles technologies sont considérables. Par ailleurs, la libéralisation du régime chinois naïvement espérée par les États-Unis n’est jamais intervenue, bien au contraire. Celle de la Russie, timidement esquissée sous le Président Eltsine (1991-1999), a été largement contrebattue par le Président Poutine à partir des années 2000.
La pandémie de Covid-19 a mis en lumière la dépendance des Américains à la main-d’œuvre chinoise et la fragilité économique de Pékin. Cette crise a porté un coup à la mondialisation (globalization) et a contribué à accentuer la division entre les États-Unis et leurs alliés, d’un côté, et la Chine, la Russie et d’autres pays du Sud global, de l’autre. La guerre russe en Ukraine à partir de février 2022 a largement accentué cette césure. Même si la Chine et la Russie sont parcourues de contradictions internes qui les fragilisent, elles n’en conservent pas moins une importance pour des raisons diverses : la Chine, par sa puissance économique et commerciale considérable secondée par son armée, et la Russie, par ses outils diplomatique et militaire ; la première dispose ainsi d’atouts nettement plus déterminants que la seconde. Si ces deux pays appuyés parfois par leurs partenaires des BRICS contestent l’ordre occidental, les Américains conservent leur « pole position » dans les domaines militaire, économique et des nouvelles technologies. Le soutien militaire apporté à l’Ukraine par les États-Unis a mis en évidence des lacunes dans leur industrie de défense et les procédures décisionnelles afférentes. Les réformes conséquentes doivent être conduites de même qu’ils doivent tout mettre en œuvre pour conserver leur avance technologique par rapport à la Chine en collaboration, le cas échéant, avec leurs alliés.
L’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la soie connaît un succès limité mais doit toutefois être contournée par une offre alternative et soutenable des Occidentaux guidés par les Américains. Dans la région « Asie-Pacifique », certains États perçoivent l’attitude chinoise comme une menace et ouvrent ainsi des perspectives à la diplomatie américaine. L’Inde, elle, joue la carte d’un équilibre délicat entre la Chine, les États-Unis et la Russie.
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