Dans son nouvel éditorial de la semaine, le général Pellistrandi revient sur les bombardements russes survenus la ville de Soumy en Ukraine, provoquant 34 morts et plus d'une centaine de blessés. Cela constitue un signe que Vladimir Poutine ne souhaite pas de paix sans que ses conditions ne soient respectées : la disparition de l'État ukrainien.
Éditorial – Pour Moscou, c’est Niet à tout (T 1702)
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Editorial —For Moscow, it’s Niet for everything
In his new editorial of the week, General Pellistrandi returns to the Russian bombings of the city of Sumy in Ukraine, causing 34 deaths and hundreds of injuries. This is a sign that Vladimir Putin does not want peace without his conditions being met: the disappearance of the Ukrainian state.
Le bombardement russe, en ce dimanche des Rameaux, à Soumy avec un bilan épouvantable – 34 morts et plus d’une centaine de blessés – illustre le cynisme du maître du Kremlin qui, à peine 48 heures auparavant, avait reçu dans son fief de Saint-Pétersbourg, l’émissaire spécial du président américain Donald Trump, Steve Witkoff. De fait, pour Vladimir Poutine, la négociation avec Washington doit passer par la capitulation de l’Ukraine et il pense forcer la main du locataire de la Maison Blanche pour que celui-ci impose à Kyiv d’accepter toutes les exigences de Moscou.
Très clairement, alors qu'arrive la date du 9 mai, que Vladimir Poutine doit célébrer en grande pompe, et que les quatre-vingt-dix premiers jours du mandat de Donald Trump approchent, la paix, ou du moins une cessation des combats, est aujourd’hui une illusion. Alors que Kyiv avait accepté un certain nombre de concessions imposées par Washington, Moscou n’a pas bougé d’un iota et continue d’exercer une pression militaire intense tant sur la ligne de front qu’en bombardant la quasi-totalité du pays, prétextant frapper des installations militaires. Par ailleurs, que ce soit Sergueï Lavrov, l’inusable ministre des Affaires étrangères ou les différents membres de l’entourage de Poutine, tous exigent la défaite de l’Ukraine, son démantèlement, sa « dénazification » et son rattachement à la sphère d’influence de Moscou ; et, bien entendu, une démilitarisation du pays. C’est, hélas, Vae victis.
Pourtant, Moscou n’a pas gagné la guerre même si environ 20 % du territoire ukrainien est occupé par les forces russes. La ligne de front tient et l’héritière de l’Armée rouge ne parvient pas à obtenir la victoire décisive avec une percée qui mettrait à mal les Ukrainiens. Cependant, Moscou ne cesse de prétendre avoir gagné la guerre, accusant l’Otan et les Européens de vouloir poursuivre celle-ci, permettant ainsi de développer un narratif favorable aux thèses de Moscou et abondamment relayé en Europe par les pro-Poutine. C’est le paradoxe de cette guerre hybride où l’agresseur deviendrait la victime.
À cette grande confusion, il faut ajouter le chaos de la diplomatie trumpienne basée sur des coups médiatiques permanents et sur un amateurisme saisissant. Ainsi, Steve Witkoff, avocat d’affaire à l’origine, s’est vu durant la même semaine traiter avec les Russes puis avec les Iraniens, à Mascate sur le dossier du nucléaire militaire de Téhéran. D’un côté, des diplomates aguerris, endurcis par des années de pratique et, de l’autre, un envoyé spécial cherchant à tout prix le deal pour satisfaire son patron.
À quelques jours de Pâques, il est illusoire de penser que la paix est proche en Ukraine. D’une part, Vladimir Poutine joue le temps long avec la certitude de reconstituer la Grande Russie, appuyé par une opinion publique abreuvée de propagande nationaliste et guerrière. D'autre part, Donald Trump est empêtré dans ses contradictions avec une multitude de fronts et de chantiers qu’il a ouverte avec brutalité et sans en mesurer toutes les conséquences comme les droits de douane.
Malheureusement, cela signifie que la population ukrainienne va rester la cible des attaques russes et que l’armée ukrainienne ne doit pas baisser les bras. Il y a au moins une satisfaction, c’est le soutien politique et militaire des Européens et de leurs alliés pour continuer à appuyer l’Ukraine et à renforcer la défense de l’Europe après des décennies de « dividendes de la paix ».
Quatre-vingts ans après la capitulation de l’Allemagne nazie, plus que jamais la guerre touche le continent européen et la responsabilité de la poursuite de cette « opération spéciale militaire » incombe exclusivement à Vladimir Poutine, le nouveau Tsar de toutes les Russies. ♦