La série Kaboul est sortie sur France Télévisions le 31 mars 2025. Traitant de l’évacuation chaotique de la capitale afghane par les personnels diplomatiques européens et des civils afghans, cette production européenne ambitieuse tente de raconter ce drame avec réalisme.
Cinéma & séries — Kaboul, une vision européenne d’un drame afghan (T 1713)
© France Télévisions
Cinema & Series —Kabul, a European vision of an Afghan drama
The series Kabul was released on France Télévisions on March 31, 2025. Dealing with the chaotic evacuation of the Afghan capital by European diplomatic personnel and Afghan civilians, this ambitious European production attempts to tell this drama with realism.
Kaboul, le 15 août 2021. Alors que les troupes américaines se retirent dans la précipitation, les Taliban avancent beaucoup plus vite que prévu amplifiant le chaos déjà présent. Tentant de réagir au drame qui se joue devant eux, des individus, hommes, femmes et enfants de différentes nationalités et confessions, vont essayer de réagir et de s’adapter à la catastrophe qui se joue.
Il est intéressant de constater la vitesse avec laquelle le cinéma s’est approprié la chute de Kaboul, surtout – évidemment – aux États-Unis. Déjà le 21 septembre 2022, soit à peine un an après les faits, sortait sur la plateforme de streaming HBO un documentaire, Escape From Kabul (73 minutes), qui a fait connaître son réalisateur, Jamie Roberts, primé à plusieurs reprises depuis. Un mois après sortait un second documentaire : Retrograde (96 minutes) réalisé par Matthew Heineman, déjà connu pour son travail. En parallèle, d’autres films ont tenté de s’intéresser plus indirectement et avec plus d’originalité au sujet. Citons par exemple l’excellent Fremont (88 minutes), sorti en 2023, un autre film américain réalisé par l’irano-britannique Babak Jalali, qui met en scène une réfugiée afghane ayant travaillé pour l’armée américaine et tentant de refaire sa vie aux États-Unis.
Cependant, la production qui nous intéresse ici dénote de celles citées précédemment. Il s’agit, d’abord, d’une mini-série de six épisodes de 50 minutes chacun, ce qui laisse forcément plus de place à la fiction, ainsi qu’à un traitement plus long des arcs narratifs. Ensuite, c’est une production européenne, dans le sens littéral du terme, puisqu’elle est produite par onze pays dans le cadre de l’Alliance européenne du cinéma. La série, réalisée par Kasia Adamik et Olga Chajdas, donne ainsi à voir un point de vue véritablement européen et non américain. Cela apporte une certaine originalité par rapport à l’écrasante majorité de la production cinématographique sur le sujet. Ainsi, on ne suit le point de vue d’aucun militaire ou responsable politique américain.
La série jongle entre les points de vue de différents personnages et situations. On suivra donc tour à tour le responsable de la sécurité à l’ambassade de France, Gilles, qui tente de faire évacuer des Afghans ayant un visa français réfugiés dans l’ambassade encerclée. Un jeune fonctionnaire inexpérimenté, Giovanni, bombardé consul italien doit gérer les nombreux Afghans qui ont trouvé refuge au sein de son emprise. Vera, un agent du Bundesnachrichtendienst (le service de renseignement allemand) retourne en Afghanistan afin d’essayer d’extrader un général de l’Armée nationale afghane (ANA). Enfin, le cœur de la série est consacré à suivre les membres dispersés d’une famille afghane : Zahara Nazany, une procureure, Fazal, son fils soldat, et Amina, sa fille infirmière, qui tentent de survivre et de se retrouver.
Bien qu’« inspirée de faits réels » (une mention qui n’a souvent pas beaucoup de sens), la série laisse une large part à la fiction. Cela n’est pas un problème en soi, pour peu que cela soit bien utilisé et serve un propos cohérent et pertinent. La série trouve une force indéniable dans ses personnages afghans. Elle parvient, avec une grande pertinence, à faire remonter à la surface leurs dilemmes et leurs choix. Ces gens sont attachés à leur pays et ne sont pas disposés à le quitter aussi facilement. De plus, ils savent tous qu’une fois arrivés en Europe, ils ne seront jamais reconnus à leur juste valeur et se verront contraints d’effectuer des emplois peu qualifiés.
Cependant, malgré des histoires qui gagnent en intérêt au fil des épisodes et quelques moments où l’on sent les dilemmes qui traversent les personnages, de nombreux défauts viennent assombrir ce tableau. Tout d’abord, on déplorera l’extrême inégalité des différentes histoires et de leur traitement. Certaines, comme celle de Fazal, proposent de réelles tensions dramatiques et sont intéressantes à suivre. À l’inverse, les péripéties de Vera traînent inutilement en longueur et s’avèrent, par moments, particulièrement ennuyantes. Par ailleurs, la production, qui se veut réaliste, a manqué le coche de façon dommageable, en faisant dialoguer l’ensemble de ses personnages en anglais, à l’exception des Afghans, ce qui est particulièrement bienvenu. Ce choix interroge, déjà parce qu’il contribue à aplatir les individus et à leur faire perdre de la profondeur, ensuite parce que les acteurs qui jouent les personnages français, italiens et allemands sont eux-mêmes français, italiens ou allemands…
Enfin, la série pèche par un sérieux manque de tentative d’originalité et par un rythme qui se ralentit au fur et à mesure, faisant perdre la notion de temps et, surtout, amenuisant grandement le sentiment d’urgence. C’est d’autant plus dommage que les premières minutes sont vraiment réussies : l’urgence est omniprésente, le chaos restitué, on sent la difficulté des acteurs à faire des choix, dépassés par les événements. Vouloir coûte que coûte raconter l’histoire d’après autant de positions différentes finit par diluer les événements. Sans doute que la série aurait gagné en pertinence et en profondeur si elle avait réduit les intrigues. De plus, la mise en scène souffre d’une trop grande simplicité, peu d’images et de plans sont véritablement marquants, peu de scènes ont de l’impact. Probablement, les limites d’une production européenne trop ambitieuse…