Les feux de forêts sont de plus en plus fréquents et intenses. Ils représentent un enjeu environnemental et économique majeur, coûtant plus de 4,5 milliards d'euros annuels à l'Union européenne. Le Canadair, utilisé pour la lutte contre les incendies, est obsolète et n'est plus produit depuis dix ans. Hynaero propose une solution moderne : le Fregate-F100, un avion amphibie. Le programme Fregate représente une opportunité économique et environnementale majeure, mais il est confronté à des défis de financement et de réglementation.
Le Fregate-F100 ou la souveraineté européenne de lutte contre les feux de forêts (T 1730)
Le Fregate-F100 d'Hynaero (© Hynaero)
The Fregate-F100 or European sovereignty in the fight against forest fires
Forest fires are becoming increasingly frequent and intense. They represent a major environmental and economic challenge, costing the European Union more than €4.5 billion annually. The Canadair, used for firefighting, is obsolete and has not been produced for ten years. Hynaero offers a modern solution: the Fregate-F100, an amphibious aircraft. The Fregate program represents a major economic and environmental opportunity, but it faces funding and regulatory challenges.
Les feux de forêts sont de plus en plus présents et violents tout au long de l’année. À l’échelle de la planète, ils représentent selon les sources entre 15 et 25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les feux sont devenus une cause de l’emballement climatique. Les grands incendies dans les Landes de juillet 2022 (1) et de Pacific Palissades à Los Angeles en janvier 2025 (2) ont marqué les esprits mais restent sans commune mesure avec les 18 millions d’hectares brûlés dans le Nord canadien à l’été 2023 (3) ou le demi-million d’hectares au printemps 2024 dans le sud du Chili avec plus de 120 morts dans la région de Valparaiso (4). Ce printemps, le Japon a été pour la première fois confronté à des grands incendies de forêts (5).
Lutter contre les feux de forêt est donc à la fois un enjeu environnemental majeur et économique. @Copernicus, programme de l’Union européenne qui collecte et restitue des données sur l’état de la Terre, estime le coût annuel des feux pour les pays de l’UE à plus de 4,5 milliards d’euros. Ce bilan ne prend pas en compte les impacts sur la santé de la dégradation de la qualité de l’air, ni le coût de la sinistralité que répercuteront les assureurs.
Or, la capacité historique de lutte contre les feux, le Canadair québécois, n’est plus construite depuis 10 ans. En outre, depuis son premier vol en 1967, il est technologiquement dépassé. La disponibilité opérationnelle des flottes est en berne et les coûts d’exploitation explosent. Le risque d’obsolescence s’accroît chaque année et jusqu’à ce jour, les industriels ne s’étaient pas mobilisés pour répondre à cette demande.
Hynaero, jeune société bordelaise, a pour ambition d’apporter au marché mondial une réponse moderne, plus efficace et plus sûre : le Fregate F100. Ce programme de coopération industrielle principalement européenne répond de plus aux objectifs de souveraineté français et européens sur une capacité concourant directement à la sécurité de nos citoyens, de nos espaces et de nos infrastructures.
Le cœur de la lutte contre les feux repose sur l’accès rapide au feu et la capacité de déverser rapidement de grandes quantités d’eau. L’expérience montre qu’il faut en moyenne 100-120 tonnes d’eau par heure sur un front de flammes pour fixer un feu. Il faut donc un moyen aérien rapide, de grande capacité et pouvant se ravitailler rapidement en eau et si possible de façon autonome. Il faut de plus larguer l’eau instantanément pour bénéficier de l’effet de masse et de souffle. Le concept éprouvé est donc un avion amphibie (à coque, car un avion sur flotteurs est limité sur une mer formée) bombardier d’eau capable d’écoper au plus près des feux sur des plans d’eau restreints. Les autres moyens légers (hélicoptères, avions de travail agricole modifiés) ou les avions-citernes (Boeing 737-300 Fireliner, Dash 8…) sont des moyens utiles mais ils demeurent complémentaires car leur spectre d’emploi est limité.
Afin de coller aux besoins du marché, les spécifications opérationnelles du Fregate sont concertées avec les opérateurs, tant les sapeurs-pompiers que les équipages de la Sécurité civile et des pays impliqués comme la Grèce, l’Italie et l’Espagne. Le Fregate apporte au marché une capacité opérationnelle double de la concurrence ainsi que des équipements et systèmes au sommet de l’état de l’art (commandes de vol électriques, système de mission aéroterrestre, intelligence artificielle embarquée, etc.)
La plateforme Fregate-F100 intéresse également d’autres pays et opérateurs avec des versions transport (passagers et fret), secours en mer et surveillance maritime. La cellule de l’avion présente dès la conception les provisions nécessaires à la déclinaison de ces autres versions qui permettront l’extension de la production.
Les capacités opérationnelles du Fregate sont de 10 t d’eau ou de produit retardant, le maintien de l’utilisation des plans d’eau à ce jour opérés par la Sécurité civile, une vitesse de croisière de 250 nœuds et une manœuvrabilité à basse vitesse et à proximité du sol dans l’aérologie sévère présente sur les feux. Les commandes de vol électriques permettent d’améliorer la sécurité aérienne et la puissance de l’IA embarquée permet d’envisager des aides à la décision tactique pour l’équipage et le directeur des opérations du chantier feu.
Afin d’assurer la crédibilité industrielle du programme Fregate, Hynaero a développé un système de partenariats industriels robuste avec les entreprises majeures du secteur aérospatial. Airbus Defence & Space en est le principal avec Aresia, BT2IGroup, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onéra), Zelin, Altitude Aerospace ou Pratt & Whitney Canada et les discussions avancent avec les principaux équipementiers et systémiers français.
L’étude du marché permet d’identifier une demande de plus de 300 avions de ce type à produire entre 2030 et 2050. Face au Fregate-F100, il n’y a pas d’offre moderne qui permette un bond capacitaire et de se projeter sur des scénarios d’opération jusqu’en 2070. De Havilland Canada propose de relancer la production du Canadair qui reste un avion conçu dans les années 1960. À ce jour, 3 opérateurs d’avions de lutte contre les feux ont déclaré leur intérêt et intention (dont la Sécurité civile) pour un total de 27 avions. Des discussions avancées sont en cours avec des opérateurs espagnols et nord-américains.
La première phase du programme a été financée et menée à terme. Elle a permis de valider le concept aérostructure-motorisation de l’avion. La phase d’amorçage « Seed » de conception de l’avion débute cet été avec une levée de fonds de 15 M€. La conception, la fabrication et la certification CS-25 d’un avion en Europe en coopération avec l’Agence de l’UE pour la sécurité aérienne (EASA) sont longues – 6 à 8 années pour une entrée en service fin 2031 et représentent un milliard d’euros de coûts de développement.
Le programme Fregate suscite l’intérêt et l’engouement de toutes les parties prenantes car c’est à la fois une nouvelle page de l’aventure aéronautique française, un programme à impact pour une grande cause environnementale et une réelle opportunité économique comme de souveraineté. Le renouvellement des flottes en Europe seulement et l’accroissement des capacités attendues par les opérateurs représentent un marché de plus de 7 Mds€. Il n’y a pas de raison objective de se résoudre à acheter sur étagère à l’étranger un avion reposant sur des technologies du passé.
Malgré les atouts et les enjeux stratégiques et de souveraineté du Fregate-F100, force est de constater qu’à ce jour, un programme industriel de ce type (long et coûteux) est confronté à la réalité des mécanismes d’accompagnement et de financement ainsi qu’aux règles européennes et françaises concernant les subventions et avances remboursables. Ces capacités de sécurité n’entrent pas à ce jour dans le champ dérogatoire accordé à des capacités relevant de la défense nationale. Les soutiens de l’État et les thèses d’investissement des fonds privés (Venture Capital ou capital-risque) sont plutôt ciblés sur des phases ultérieures du programme (première usine, industrialisation et développement de la production).
Enfin, les régions jouent un rôle essentiel dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire et des développements économiques (zonage d’Aide à finalité régionale [AFR] par exemple). Elles sont donc l’interlocuteur et le soutien essentiels à l’essor d’une start-up comme Hynaero et dans leur accompagnement au long cours jusqu’au début de la production en 2029.
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Le Salon international du Bourget a vu une avancée majeure pour le Fregate-F100 de Hynaero. En effet, le ministre François-Noël Buffet a annoncé la labellisation du Fregate-F100 comme programme de souveraineté de sécurité dans le cadre de la stratégie de renouvellement des capacités aériennes de la Sécurité civile. Cette annonce s’accompagne de l’attribution par France2030 et la Région Sud d’une subvention conséquente de 7 millions d’euros et l’installation du complexe industriel Hyanero sur le pôle aéronautique Jean Sarrail à Istres en occupant notamment un hangar technique de 7 000 m2. ♦
(1) Préfecture de la Gironde, « Incendies de l’été 2022 : bilan et retour d’expérience », 4 avril 2023 (https://www.gironde.gouv.fr/).
(2) Lefief Jean-Philippe, « Live - Incendies à Los Angeles : des conditions météo “extrêmement critiques” attendues avec le renforcement des vents », Le Monde, 15 janvier 2025 (https://www.lemonde.fr/).
(3) Qi Yiping, « Avec 18 millions d’hectares brûlés, le Canada enregistre sa pire saison des feux », Ouest France, 2 octobre 2023 (https://www.ouest-france.fr/).
(4) « En images : le Chili dévasté par des incendies de forêt meurtriers », France 24, 5 février 2024 (https://www.france24.com/).
(5) « Le Japon confronté à son pire incendie de forêt en 50 ans, toujours pas maîtrisé », La Croix, 4 mars 2025 (https://www.la-croix.com/).