Escalade nucléaire inquiétante : Vladimir Poutine et Donald Trump multiplient provocations et annonces de tests, relançant la peur atomique. Les médias et politiques français, focalisés ailleurs, minimisent cette crise. La dissuasion, fragilisée par des déclarations ambiguës, risque de basculer dans une ère de déstabilisation.
Éditorial – Beaucoup de fautes dans la grammaire nucléaire (T 1765)
                    
                    
                    
                                        
                    
                      
                                            
                                                            
© DR / AP
                                                        
Editorial —Many mistakes in nuclear grammar
A worrying nuclear escalation: Vladimir Putin and Donald Trump are escalating provocations and announcements of tests, reigniting nuclear fears. The French media and politicians, focused elsewhere, are downplaying this crisis. Deterrence, weakened by ambiguous statements, risks plunging into an era of destabilization.
La semaine dernière a été marquée par une accumulation inquiétante de dérapages verbaux autour du nucléaire et une escalade dangereuse dans les provocations mutuelles. Au passage, cette crispation à l’échelle mondiale a à peine retenu l’attention de nos médias et de nos politiques, persuadés que seul ce qui se passe place du Palais Bourbon compte.
Absent et sûrement vexé d’être médiatiquement marginalisé au regard de la rencontre Trump-Xi Jinping en Corée du Sud, Vladimir Poutine a agité, une fois de plus, le chiffon rouge du nucléaire en annonçant sur un ton martial des tirs d’essais de nouvelles armes à capacité nucléaire. Entre un missile, le Bourevestnik, et le drone sous-marin Poseidon, les deux étant à propulsion nucléaire et capables de porter une charge atomique, le maître du Kremlin a voulu faire peur et rappeler qu’il existe. Sa difficulté est de savoir s’il est l’alter ego du locataire de la Maison Blanche ou plutôt le vassal de l’empereur de la Cité interdite. En jouant sur une certaine ambiguïté quant au succès réel des tests, Vladimir Poutine veut rappeler que son atout principal reste la terreur nucléaire, à défaut de gagner la guerre conventionnelle qu’il mène à l’Ukraine depuis bientôt quatre ans. Et cette menace est directement adressée aux Européens, dans la mesure où la fiabilité du lien transatlantique semble fragilisée depuis janvier dernier et que la garantie nucléaire américaine n’est plus du tout certaine.
À vouloir jouer au gros bras, Vladimir Poutine s’est pris une volée de bois vert quand le président américain annonce tout de go dans Air Force One que les États-Unis allaient reprendre leurs essais nucléaires, créant de fait un élan de surprise tant cette formulation péremptoire semble pour le moins confuse.
En effet, les puissances nucléaires reconnues ont cessé de tester la partie nucléaire de leurs armes durant la décennie 1990, les États-Unis y compris avec un dernier essai le 23 septembre 1992. Pour la Russie, ce fut même plus tôt, avec un dernier tir le 24 octobre 1990. La France, quant à elle, effectua son dernier essai le 27 janvier 1996, avant le passage à la simulation.
Depuis, hormis la Corée du Nord, les grands États dotés se sont basés sur des outils de simulation, bénéficiant des données recueillies précédemment lors des essais réels. Par contre, et de manière régulière, ils testent le bon fonctionnement des vecteurs en prenant soin de bien les notifier pour éviter toute confusion lors des tirs.
Moscou a d’ailleurs fait preuve de prudence, au-delà de la rhétorique agressive mais orale sur les plateaux télé moscovites, en annonçant par des canaux éprouvés les essais de ses missiles dont le fameux Sarmat II. En septembre dernier, un Sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) américain de la classe Ohio a tiré quatre missiles Trident D5 (sans tête nucléaire) au large des côtes américaines. Ces tirs permettent de démontrer la fiabilité du système. À l’inverse, un échec jette la suspicion sur la qualité requise de la dissuasion. En février 2024, un SNLE britannique a ainsi connu un tir raté d’un missile Trident D5 d’où de sérieuses interrogations sur la dissuasion d’outre-Manche.
La déclaration tonitruante de Donald Trump visant à relancer les essais nucléaires interroge cependant. De quel type d’essais s’agit-il ? Les vecteurs ou la bombe ? Et pour quoi faire ? Le brouillard autour des propos du Président américain suscite beaucoup d’interrogations et donc de l’émoi. S’il s’agit des missiles, cela a toujours été une réalité et ne pose pas de problème diplomatique. S’il s’agit de la tête nucléaire, ce serait une bascule dans une nouvelle ère de déstabilisation et du retour de la peur nucléaire. Y a-t-il un objectif stratégique pour Donald Trump, ou s’agit-il d’une de ses habituelles déclarations à l’emporte-pièce pour rappeler à son opinion MAGA qu’il est le plus fort ? En tout cas, cela démontre, d’une part, que ni lui, ni Vladimir Poutine n’ont envie de lâcher le bras de fer et, d’autre part, que leur fuite en avant est un jeu dangereux. ♦
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