« Sauver les meubles », telle est l’impression qui se dégage de ces deux dernières semaines avec la pression américaine pour arracher, quoi qu’il en coûte, un accord de paix à l’Ukraine. Après l’ultimatum juste avant Thanksgiving day, des discussions en urgence à Genève où les Européens ont dû forcer pour être présent, un nouveau round de négociations a eu lieu ce week-end en Floride sur les terres de Steve Witkoff, l’envoyé spécial de Donald Trump. Tout cela dans une ambiance de crise pour le Président ukrainien, directement touché par l’affaire de corruption impliquant son premier cercle et donc affaibli politiquement. D’ailleurs, Moscou ne cesse de répéter qu’il n’est pas légitime et qu’il est impossible de signer quoi que ce soit avec Volodymyr Zelensky, signifiant ainsi sa volonté permanente d’un changement de régime. Cet argumentaire est relayé plus ou moins implicitement à Washington, sans oublier les réseaux pro-russes qui ne cessent de présenter l’Ukraine comme le pays le plus corrompu au monde et fermant les yeux, bien sûr, sur ce qui se passe à Moscou.

Sur le plan militaire, paradoxalement, la situation est moins grave même si la pression tactique russe reste forte. La ligne de front tient, avec un grignotage éprouvant mais sans une rupture majeure qui serait alors dramatique. Toutefois, Moscou tient un narratif très différent, voulant faire croire à une suite de victoires et, de ce fait, à un effondrement des forces ukrainiennes, les obligeant alors à une capitulation. Les bombardements nocturnes quotidiens, même s’ils font des victimes civiles et privent le pays d’une grande partie de ses ressources énergétiques, ne font que renforcer la volonté de continuer la guerre et de ne pas baisser les bras face à l’ennemi russe.

L’accélération du tempo diplomatique traduit l’impatience de Donald Trump et son désintérêt pour le droit international, en admettant que c’est à l’Ukraine de faire toutes les concessions, en particulier sur l’abandon de territoires. À l’inverse, Poutine joue le temps long, faisant croire que le plan américain pourrait être une base de discussions, mais en espérant que l’usure fasse son œuvre. Usure des Ukrainiens qu’il méprise en tant que peuple souverain, usure des Européens qu’il déteste en tant que projet politique, usure des Américains avec qui il veut s’entendre pour faire du business et surtout retrouver la place de leader mondial comme au bon vieux temps de l’URSS.

Alors que nous entrons dans le mois de décembre, celui de Noël, il est impossible de prédire la suite. Que va-t-il se passer cette semaine à Moscou, où l’envoyé spécial Steve Witkoff va rencontrer pour la cinquième fois le maître du Kremlin et dont on sait, grâce aux révélations de la presse américaine, son alignement sur les thèses moscovites ? Comment Volodymyr Zelensky, malgré le soutien européen, concrétisé par sa visite à Paris ce jour, va-t-il tenir dans la tourmente politique ? Cela démontre aussi que la société ukrainienne et les organes de lutte anti-corruption ont gagné en maturité et en responsabilité, mais pour autant, la guerre va continuer. Y aura-t-il une trêve de Noël, alors que, tous les soirs, la Russie frappe l’Ukraine ?

Comment les Européens peuvent-ils faire face au rouleau compresseur trumpien, à la recherche d’une paix à tout prix, même bâclée ? Alors que les Européens ont compris que Munich et Yalta sont à nouveau possibles même si, cette fois-ci, c’est l’Europe dans son entier qui sera conduite à l’échafaud.