En quelques clics, il est désormais possible de faire des cartes en ligne sur le site d’Eurostat. Cela peut considérablement aider à la compréhension de la nouvelle Europe et de ses défis. Mode d’emploi.
Aux cartes, citoyens !
To your maps, citizens!
In just a few clicks it is now possible to design and produce maps online on the Eurostat website. This can be a big help in understanding the new Europe and its challenges. A short user guide.
Professeur à l’Université de Reims, Jacques Lévy plaidait depuis 2004 pour une démocratisation de l’outil cartographique, grâce à l’usage d’Internet. « Mettre à la disposition des Français et des Européens un outil fruste mais robuste, tel que celui du Census Bureau des États-Unis serait bien utile. Cet organisme public donne accès, à travers un site Internet, à une grande quantité de données qui peuvent être transformées en cartes, chaque utilisateur déterminant à son choix le cadrage, l’échelle, le thème et les figurés de la carte. L’enjeu civique de ces innovations est considérable » (1).
C’est fait. Eurostat vient de mettre en ligne un service gratuit de cartographie sur tous les pays de l’Union européenne, les pays candidats à l’intégration et ceux membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE), c’est-à-dire l’Islande, la Norvège et la Suisse. Sous réserve de disposer d’un ordinateur et d’une connexion Internet, chacun peut désormais construire ses cartes via ce service de la Commission européenne.
Comment faire ?
Sur le site d’Eurostat (http://epp.eurostat.ec.europa.eu), par l’onglet « Données », nous accédons à toute la base (2). Choisissons, par exemple, la rubrique « Économie et finances ». Cliquons sur Indicateurs économiques principaux/Indicateurs à long terme/Comptes nationaux/PIB par habitant en SPA. C’est-à-dire Produit intérieur brut par habitant en standards de pouvoir d’achat, EU-27 = 100. Il s’agit ici d’un anglicisme : EU pour European Union à la place de UE pour Union européenne. Une définition du PIB commence sous le titre et se poursuit par un lien. On y découvre ensuite des explications sur les standards de pouvoir d’achat et la base 100.
Nous accédons alors à trois nouveaux onglets : tableau, graphique, carte.
Puisqu’une carte se construit généralement à partir de données chiffrées, il faut d’abord les sélectionner et les analyser.
Des données…
L’onglet tableau présente l’entité géographique (geo) et les années disponibles (time). Ici, nous pouvons consulter les chiffres pour l’UE-27 ; c’est-à-dire la moyenne des Vingt-Sept pays membres depuis 2007, l’UE-25, l’UE-15, la zone euro, la zone euro à 15 pays, la zone euro à 12 pays, les 27 pays membres, mais aussi les candidats officiels : Croatie, ancienne République yougoslave de Macédoine et Turquie. Nous trouvons encore des données pour les pays de l’AELE. Nous découvrons, aussi, des chiffres sur les deux autres pôles de la Triade : les États-Unis et le Japon. Cela permet d’intéressantes comparaisons. Cependant, ces pays ne seront pas cartographiables ultérieurement. En revanche, il sera parfois utile d’y faire référence dans un commentaire. Il est toujours judicieux d’imprimer le tableau, de préférence en format paysage parce que cela permet d’avoir jusqu’à douze années sur le même document.
Depuis la rubrique tableau, il est possible d’avoir des informations sur les données présentées (date de la dernière mise à jour, données les plus anciennes, les plus récentes, le nombre de valeurs). Nous pouvons également sauvegarder les données sous plusieurs formats : XLS, HTML, XML et TSV. Cela est très utile pour affiner l’usage des chiffres. Le format XLS permet de récupérer les chiffres dans un tableur Excel. Nous pouvons aussi adresser le tableau par courrier électronique à qui de droit et créer un signet pour l’ajouter à nos favoris. Enfin, il est possible d’accéder à une démonstration… en anglais.
L’onglet graphique donne accès à une boîte à outils. Il est préférable de débuter par la sélection des entités géographiques (geo) puis de poursuivre par les années retenues (time). D’un clic de souris, nous choisissons les pays, puis les années. Pour un choix multiple à l’intérieur d’une catégorie, cliquer sur le premier choix, puis enfoncer la touche « Ctrl » et cliquer sur les autres choix. La légende présente le figuré retenu et les abréviations ( : non disponible, f=prévision, b=rupture de série, e=valeur estimée). Les types de graphiques invitent à choisir entre : « histogramme, barres, courbes, secteurs et nuages de points ».
Ensuite, sélectionnons la rubrique « Étiqueter & Trier ». Il est prudent de choisir « étiquettes », parce que cela inscrit explicitement le nom du pays, évitant le risque d’une confusion entre des codes parfois ambigus. Il existe un tri par défaut, mais il est préférable de choisir le tri ascendant ou descendant. Parce que cela aide à la lecture des données, donc le choix ultérieur de la légende. Enfin, il existe une fonction graduation, automatique ou choisie par l’utilisateur.
…à la carte
L’onglet carte présente de gauche à droite la légende, le ou les figurés retenus, les données et les types de carte (surface ou par figuré ponctuel), l’année considérée (time). Il est prudent de vérifier que l’année choisie n’a pas été modifiée par défaut. Par la rubrique classes, il est possible de choisir 2 à 5 classes. En fonction du travail antérieur sur les données, chacun décide du nombre de classes le plus cohérent. La discrétisation des données peut se faire par quantile, intervalle égale ou saisie manuelle.
Si on a retenu une carte par nuances de surfaces colorées, quatre possibilités se présentent :
. vert foncé, vert moyen, vert clair, jaune, jaune clair ;
. vert foncé, kaki, marron, brun, rouge ;
. violet, bleu foncé, bleu clair, bleu très pâle ;
. rouge foncé, rouge, orange, jaune, jaune clair.
Le choix du dégradé de couleurs doit être fait de manière réfléchie, en fonction de la problématique et du message.
Le bouton calque permet d’ajouter ou retirer rivières, lacs, capitales et relief. Le rendu n’est pas excellent.
En bas de la carte, des boutons permettent de recentrer la carte, « zoomer » ou « dé-zoomer » et afficher la carte en entier.
Enfin, il est facile d’imprimer le document ou de l’enregistrer au format compressé ZIP.
Un exemple
En suivant cette démarche, voici une carte réalisée pour présenter le PIB par habitant en standards de pouvoir d’achat, UE-27=100, prévisions pour 2008. À partir d’un dégradé de bleus, la carte produite a été transformée ici en dégradé de gris par le logiciel Illustrator (Filtres/Couleurs/Conversion en niveaux de gris). Chacun constatera que le gris le plus léger devient difficile à discerner (ex. Pologne). Notons bien que la version en couleur est plus lisible.
Cette carte spatialise l’hétérogénéité des PIB par habitant en Europe (UE-27 + AELE). La plupart des pays d’Europe centrale et orientale sont plus pauvres que les anciens États membres de l’UE. Cependant, le Portugal (72,2) — intégré depuis 1986 — se retrouve dans l’avant-dernière catégorie mais moins bien placé que quatre pays entrés en 2004 : Slovénie (90,6), Chypre (90,1) République tchèque (81,9) et Malte (76,2). Le Portugal est talonné par l’Estonie (71,0) et la Slovaquie (70,7). Les deux pays les moins riches sont la Bulgarie (39,0) et la Roumanie (41,5).
Doit mieux faire
Voici un service vraiment utile pour la connaissance de l’Europe. Les chercheurs — comme les citoyens — trouvent là un outil précieux, tant la cartographie semble parfois difficile à mettre en œuvre. Les enseignants peuvent réaliser — en direct — des cartes avec leurs élèves, et montrer combien les choix d’une discrétisation et d’une légende orientent la lecture d’une carte. N’oublions pas qu’il convient autant que possible d’accompagner une carte d’un court commentaire. Ce dernier peut justifier des choix, expliciter le message essentiel ou apporter des compléments.
Pour autant, le système cartographique d’Eurostat reste améliorable. Dans un esprit constructif, voici quelques propositions, de manière non exhaustive.
Il semble prioritaire d’ajouter automatiquement l’orientation et l’échelle de la carte. En l’attente, il est possible de les ajouter par un logiciel de dessin. Pour mémoire, la France mesure presque 1 000 km d’est en ouest.
Un dégradé de gris faciliterait le travail de ceux qui ne peuvent publier que des cartes de ce type.
La « démonstration » devrait ne plus être seulement en anglais mais également présentée dans d’autres langues officielles de l’UE, dont le français. Il faut souhaiter que la présidence française se saisisse du sujet. Par ailleurs, il serait pratique que ce mode d’emploi soit disponible au format « pdf » pour être plus aisément imprimable et utilisable.
Sur l’onglet carte, il conviendrait d’améliorer le fonctionnement de la sélection/désélection des pays. L’utilisateur se retrouve parfois avec des pays qu’il ne souhaite pas.
Il serait judicieux d’ajouter un calque avec le nom des pays. Ne serait-ce que parce que chacun ne connaît pas forcément les noms de toutes les capitales européennes. Cela peut éviter des erreurs d’interprétation.
La qualité de l’image pourrait être significativement augmentée, afin d’intégrer plus aisément ces cartes dans des publications papier. Le poids du fichier ne représente pas un obstacle puisque l’image est ensuite systématiquement « zippée ».
En légende, la taille des caractères pourrait être agrandie afin d’augmenter la lisibilité.
Enfin, pourquoi ne pas permettre de croiser deux types de données, par exemple le PIB par habitant en SPA et le taux de croissance du PIB par rapport à l’année précédente. On s’apercevrait alors que les nouveaux États-membres de l’UE sont à la fois souvent plus pauvres que les anciens mais caractérisés par un taux de croissance du PIB généralement très supérieur (3).
Ainsi, les citoyens de l’Europe communautaire disposent désormais d’un outil gratuit et assez facile d’emploi pour réaliser des cartes construites sur des données harmonisées par les services d’Eurostat. ♦
(1) Jacques Lévy, Patrick Poncet, Emmanuelle Tricoire : La carte, enjeu contemporain ; La Documentation Française, 2004, p. 13.
(2) Si la base d’Eurostat est riche en données économiques ou démographiques, chacun constatera qu’il manque des éléments en matière de défense. Il serait pertinent de combler cette lacune.
(3) Cf. Pierre Verluise : « Nouveaux pays membres : quelles caractéristiques économiques ? », Actualités européennes, n° 19, 5 mars 2008, Iris (www.iris-france.org/).