Foreword
Préface
Dans l’air jusqu’à la Très haute altitude (THA) et dans l’Espace, la conflictualité s’intensifie. Les cadres et mécanismes de régulation de la violence s’érodent. Les armements font l’objet d’innovations débridées, aux deux bornes de la technologie que sont l’extrême sophistication et la rusticité la plus totale.
Ces tendances ont pris corps notamment dans la guerre déclenchée par la Russie sur le sol ukrainien, où elles sont particulièrement observables. S’y ajoutent deux phénomènes qui affectent tous les domaines d’activité et concernent donc aussi, directement, les armées : une trajectoire de l’économie mondiale marquée par l’incertitude et la crise environnementale dont les manifestations sont chaque année plus évidentes. En somme, l’époque semble atteindre un niveau de complexité record.
Dans ce contexte, il est utile de s’en remettre aux conclusions du maître de la pensée complexe. Le philosophe Edgar Morin affirme que « la complexité appelle la stratégie », et qu’« il n’y a que la stratégie pour avancer dans l’incertain et l’aléatoire ». Étymologiquement, est complexe ce qui est fait d’éléments différents, intriqués les uns avec les autres. La tâche du stratège consiste alors à poser sur la situation un regard d’ensemble pour démêler cet écheveau, déceler les liens logiques, distinguer les constantes des variables et identifier le cap à suivre.
C’est toute l’importance, pour l’AAE, de s’être dotée cette année d’un cadre documentaire pour structurer la pensée et l’action des Aviateurs, et de ceux qui concourent avec eux à l’affirmation de la puissance militaire aérospatiale. Dans la continuité de cet élan, ce Cahier spécial de la Revue Défense Nationale est une tribune exceptionnelle. Elle donne la parole aux Hommes de l’art, aux sachants, aux experts, à ceux qui sont en première ligne du commandement, des opérations et de la transformation de notre outil de combat. Elle explore les quatre dimensions de la puissance dont nous sommes les dépositaires.
Ce sont d’abord les dynamiques de l’arrière et de l’avant, des capacités offensives et défensives, dans une dialectique exacerbée par le contexte stratégique et pensée à l’échelle de notre institution, de la défense des bases aériennes aux capacités de frappe dans la profondeur. C’est aussi le continuum vertical qui, du sol à l’orbite géostationnaire, structure ma vision stratégique. C’est enfin la dimension transverse de la conception et de la coordination de tout ce que nous entreprenons, dont la fonction Commandement et contrôle (C2) dans le champ des opérations. Pour les missions conventionnelles et la mission nucléaire, notre supériorité passe par la convergence de cette fonction C2 dans l’air, jusqu’à la THA, avec le C2 spatial.
S’ouvrant sur un aperçu des ciels de combat d’aujourd’hui, ce tour d’horizon complet se referme sur un détour par notre histoire et notre patrimoine aérospatial. Il offre ainsi une mise à jour parfaite, en ce mois de juin 2025 marqué par le rendez-vous majeur du Salon international de l’Air et de l’Espace du Bourget.
Excellente lecture à tous. ♦