L’École de l’Air et de l’Espace incarne la transmission des savoirs et de l’héritage de l’armée de l’Air et de l’Espace pour préparer les chefs de demain. Entre excellence académique, innovations pédagogiques et immersion opérationnelle, elle forme des officiers capables d’évoluer dans des environnements complexes et en mutation. Elle est le socle d’une armée de l’Air et de l’Espace résolument tournée vers l’avenir et vers l’ensemble de la troisième dimension.
L’histoire du Piège et son adaptation continue à la formation des officiers
History of Le Piège
The French Air and Space School imparts the knowledge and the heritage of the Air and Space Force to train the military chiefs of the future. With its mix of academic excellence, innovation in teaching and operational immersion, it trains officers to be able to operate in complex, changing environments. It is the foundation stone of an Air and Space Force focused firmly on the future and on the entire third dimension.
Dès son arrivée à Salon-de-Provence, une atmosphère singulière enveloppe le futur poussin. Les noms des rues évoquent des aviateurs célèbres, certaines peintures sur les murs de la ville dessinent leurs montures, un Fouga Magister tricolore se dresse même au milieu d’un rond-point. Tous ces éléments signalent au nouveau venu qu’il met les pieds en terre aérienne. Son voyage se poursuit une fois franchi le portail de la Base aérienne (BA) 701.
Il voit défiler devant ses yeux de multiples symboles, tous plus iconiques les uns que les autres : des avions mythiques de la Patrouille de France, une stèle en hommage au héros de l’armée de l’Air Guynemer, le Bâtiment de la direction et de l’enseignement (BDE) qui trône sur la place Pelletier-Doisy, la piste en dur pour les avions à moteur, la piste en herbe pour les planeurs, le golf en bordure Est de la base, le parcours d’audace, et tant d’autres…
L’élève ignore encore que son histoire s’écrira à leur contact dans les prochains mois. Tous ces éléments le plongent progressivement dans ce qui va rapidement devenir son quotidien, apprentissage durant lequel vont lui être transmis les valeurs militaires et l’héritage de ses aïeux. Le BDE et ses environs y joueront un rôle central, véritable îlot des traditions, de jour comme de nuit. Les aspirants vivront la remise des poignards, la présentation au drapeau, le vent des hélices, le lever des couleurs… Ce cérémonial ne doit rien au hasard. Il est le fruit d’une ambition sans cesse renouvelée et consolidée depuis un siècle : celui de doter la France d’une école dédiée à la formation initiale des officiers aviateurs. Cet établissement se veut un creuset d’excellence et le reflet du progrès de l’aviation militaire.
Pourquoi le projet d’une École de l’air ?
En 1922, la création de l’École militaire de l’air et d’application aéronautique constitue la première brique de cet édifice. L’aviation, qui s’est imposée durant la Première Guerre mondiale comme un facteur militaire de supériorité, nécessite une formation spécifique et adaptée aux exigences du combat aérien. Les naissances en 1928 du ministère de l’Air puis, en 1934, de l’armée de l’Air vont permettre à cette ambition de se réaliser pleinement. En 1935, l’École de l’air ouvre ses portes aux Petites Écuries de Versailles. Son objectif est de disposer d’une école indépendante capable de préparer ses futurs officiers aux défis du ciel. À chaque génération, de nouvelles adaptations du métier font jour face à la mobilité des circonstances et aux avancées technologiques, avec toujours en lame de fond, un socle de valeurs immuables : le respect, l’intégrité, le sens du service et l’excellence.
Encore aujourd’hui, cet objectif reste inchangé. Bien plus qu’un simple lieu d’apprentissage des savoirs aéronautiques, l’École de l’air est le temple d’une identité, l’émanation d’un savoir-être qui a façonné toutes les générations d’aviateurs.
Un poussin qu’on y enseigne est un officier que l’on gagne.
Histoire et patrimoine
Dans un premier temps, après sa création à Versailles, l’École de l’air déménage en 1937 dans le sud de la France. Elle cherche un lieu proche d’une garnison, d’une université, d’une école de pilotage militaire offrant un environnement favorable aux vols : Salon-de-Provence.
L’histoire de l’École de l’air est dès lors indissociable de celle de l’aviation militaire française. En 1946 après une période d’occupation et d’itinérance, elle accompagne les grandes mutations liées à la guerre aérienne. Ces changements comprennent l’apparition du chasseur à réaction, le développement du transport aérien stratégique, la montée en puissance des forces nucléaires et, plus récemment, l’avènement des drones et les enjeux du milieu spatial comme de la très haute altitude.
Ses débuts ne sont pas simples. La tutelle des grandes institutions nationales, telles que le génie ou l’artillerie, d’où sont issus les premiers aviateurs, pèse sur elle. Ponctuellement, le débat reprend sur l’utilité d’une école militaire à part entière dédiée aux choses de l’air, mais « le Piège » tient bon et, telle sa devise… fait face. Ce surnom, « le Piège », évoque le travail et les efforts que l’élève devra fournir pour quitter le nid des aiglons en maîtrisant les bases de l’aviation militaire. Il doit pour cela s’aguerrir, apprendre et entretenir l’esprit pionnier. Il doit également développer la cohésion dans sa brigade ainsi que dans sa promotion, gage d’intégration et de réussite. Depuis ses origines, l’école n’a cessé de se transformer pour répondre aux exigences d’un environnement en perpétuelle évolution.
L’adaptation continue des programmes d’enseignement aux nouvelles technologies de pointe illustre cette capacité d’innovation qui caractérise l’aviateur, avec comme invariants : l’excellence, la discipline et l’esprit de corps. En 2021, le ciel de son action s’élargit. L’École de l’Air devient l’École de l’Air et de l’Espace.
Dépositaire d’un noble héritage, ancrée dans son temps, et le regard tourné vers l’avenir, cette belle institution continuera de s’adapter au gré de la conjoncture pour former les officiers de demain qui mettront en œuvre la puissance militaire aérospatiale de notre pays.
L’École de l’Air et de l’Espace aujourd’hui
L’École de l’Air et de l’Espace a connu ces dernières années des transformations importantes, tant dans son statut que dans l’organisation de ses formations. En devenant établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel placé sous la tutelle du ministère des Armées et constitué sous la forme d’un grand établissement (EPSCP-GE), l’École a adopté un nouveau statut, renforçant son rôle en tant qu’institution de formation d’excellence. Cette évolution vise à cibler une approche pédagogique plus flexible et à intégrer diverses compétences pour répondre aux réalités du monde actuel et aux défis stratégiques du futur.
L’École propose un ensemble de formations allant de cursus académiques à des formations plus opérationnelles. Ces parcours offrent aux élèves les savoirs nécessaires dans des domaines aussi variés que la gestion des opérations aériennes, la cybersécurité ou le fonctionnement d’engins spatiaux, tels que les satellites. Les différentes filières illustrent la diversité et la richesse des cursus d’officiers.
Chaque élève vit son passage à l’école de manière unique. Certains peuvent y rester plusieurs années, quand d’autres y passent juste quelques mois avant de rejoindre leur unité. Pour le sous-lieutenant Guillaume, par exemple, l’arrivée à l’établissement est vécue comme un défi : « Il y a beaucoup de connaissances à appréhender et des concepts nouveaux qu’il nous faut maîtriser pour demain. » Ancien sous-officier, le choix de cette formation était, pour lui, la suite logique de son projet : « J’étais déjà dans l’institution et le concours interne pour rejoindre cette école était le meilleur moyen d’atteindre les objectifs de carrière que je m’étais fixés. Je voulais avoir des responsabilités tout en approfondissant ma compréhension générale de notre armée. »
« Point d’affaire qui dure sans une incessante rénovation », écrivait le général de Gaulle (1). L’École de l’Air et de l’Espace renouvelle ses méthodes pédagogiques et enrichit ses cursus afin que l’esprit de l’aviateur et son expertise de la troisième dimension durent inlassablement.
Anticiper les défis de demain
L’École de l’Air et de l’Espace a toujours eu pour but de préparer ses officiers à relever les défis de leur temps – défis qui se déclinent aujourd’hui sous de nouvelles formes. La montée en puissance du spatial, des opérations en très haute altitude (THA) ou de l’intelligence artificielle (IA) ainsi que l’apparition de nouveaux programmes de formation adaptés en font partie. Le développement du Centre de recherche de l’École de l’Air (CREA) illustre la volonté d’aligner les activités de recherche sur les besoins opérationnels exprimés par les états-majors.
Face à ces mutations, l’école adapte son enseignement pour offrir aux futurs officiers les compétences nécessaires à la maîtrise des environnements de plus en plus complexes. Le domaine spatial, autrefois réservé aux grandes agences et aux puissances nationales, est devenu un axe stratégique indispensable. L’armée de l’Air et de l’Espace intègre désormais pleinement cette dimension dans ses missions, nécessitant un savoir spécifique pour ses officiers. L’école accompagne cette transformation en développant des formations ad hoc, que ce soit pour la surveillance spatiale, la cybersécurité ou la gestion d’une trajectoire en orbite.
En parallèle du diplôme d’ingénieur reconnu par la Commission des titres d’ingénieur (CTI), l’école propose des mastères spécialisés permettant aux élèves officiers et aux jeunes diplômés d’approfondir des compétences dans des domaines précis. Ces formations sont conçues pour répondre aux besoins des forces armées, ainsi qu’aux attentes des industries de la défense et du spatial. Elles offrent ainsi un juste équilibre entre les besoins académiques et les réalités du terrain.
Pour Philippe Carayon, professeur au Piège depuis 1995, l’offre récente de mastères spécialisés au sein de l’École présente plusieurs avantages : « Elle permet de concentrer et d’entretenir des compétences spécifiques au sein de l’établissement, c’est l’occasion de faire venir à l’École des personnes déjà diplômées, ayant suivi des parcours divers, et ainsi d’entretenir des contacts enrichissants. C’est aussi une source de revenus complémentaires. »
L’intelligence artificielle qui change drastiquement la manière dont les forces armées pensent et mènent leurs interventions constitue un autre aspect à prendre en compte. L’École de l’Air et de l’Espace intègre désormais de nouvelles compétences dans ses cursus, sensibilisant ses élèves aux principes de l’apprentissage de l’automatique, de la cybersécurité et de la guerre électronique.
Parallèlement, le Bureau d’innovation pédagogique (BIP) joue un rôle majeur dans l’évolution des méthodes pédagogiques appliquées à la formation des officiers. Il modernise les pratiques d’enseignement en intégrant, par exemple, l’IA, les serious games ou encore les projets interdisciplinaires. Depuis 2018, une cellule culturelle a aussi été créée et propose aux élèves de compléter leur formation académique en participant à des activités culturelles. Ces initiatives illustrent la volonté de l’École de rester à la pointe de la modernité et de s’ouvrir au monde. « Pour accompagner l’évolution des mentalités des nouvelles générations d’élèves, l’École fait évoluer régulièrement ses méthodes pédagogiques, d’une part pour s’adapter aux nouveaux profils, d’autre part pour développer au maximum l’autonomie de nos futurs officiers », confie Philippe Carayon. Notons aussi que l’École est ouverte à l’international et accueille des cadets étrangers afin de renforcer les liens diplomatiques avec nos partenaires.
En 2019, avec le changement de statut de l’École, des projets conceptualisés depuis plusieurs années prennent forme à l’exemple de la plateforme d’innovation aéronautique et spatiale (PIAS). Celle-ci s’inscrit dans la continuité de la volonté de rayonnement de l’École, elle s’adapte aux enjeux actuels tout en dynamisant le territoire, et crée un lien avec les entreprises de la région. Elle participe ainsi à l’ouverture de l’École sur l’extérieur en augmentant et améliorant les capacités d’accueil des étudiants et enseignants. En effet, l’implication du pôle de compétitivité SAFE illustre les ambitions de la PIAS. L’approche des nouvelles formes pédagogiques, notamment par l’utilisation de simulateurs, est dans cette optique. Ainsi, des outils de simulation immersifs, réalistes et variés sont réfléchis pour préparer au mieux à des défis multi-milieux et multi-champs.
La construction de nouveaux bâtiments – répondant à la fois à la vision de la formation et aux normes écologiques – est un axe stratégique de l’École, lui permettant de pleinement s’inscrire dans la vision du groupe ISAE (Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace) auquel elle appartient. Cette volonté permet de rendre l’établissement plus attractif, que ce soit pour les élèves ou les enseignants. Ainsi, la PIAS permet d’affirmer la place de l’innovation et de la recherche au sein de l’École.
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En transmettant un savoir toujours renouvelé, en développant des cursus spécialisés et en investissant dans l’innovation, l’École de l’Air et de l’Espace forge les officiers de demain, compétents pour relever les défis qui les attendent. Ainsi, l’École de l’Air et de l’Espace est à la fois un héritage des générations précédentes via ses traditions et une promesse d’avenir dans un monde en changement. En outre, ces deux composantes créent un lien indéfectible entre tous les officiers aviateurs, quelles que soient les époques. Tous gardent un souvenir en commun, celui du « Piège », dont l’âme est peut-être encore la mieux décrite par les mots suivants d’Antoine de Saint-Exupéry : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. » ♦
(1) Gaulle (de) Charles, Vers l’armée de métier, 1934.