Réforme administrative et réforme de l’État
Le Général Ély, dans un récent article de la Revue de Défense Nationale (1), a remarquablement mis en lumière le mal dont souffre, dans le monde moderne, et spécialement en France, le gouvernement des hommes. En face d’une vie qui devient de plus en plus mouvante, rapide et complexe, il est nécessaire, pour pouvoir l’ordonner et la diriger efficacement, de la concevoir à un niveau de plus en plus élevé, donc de façon de plus en plus synthétique et abstraite, tout en conservant cependant un contact constant avec cette réalité quotidienne. Faute de mettre au point de nouvelles formes d’organisation, de nouvelles méthodes répondant à ces conditions nouvelles ; d’éduquer les cadres en fonction de ces données, le gouvernement des hommes est inévitablement débordé par sa tâche ; il ne peut plus l’appréhender que fragmentairement ; il se déshumanise et devient, en conséquence, de plus en plus lent et inefficace.
Or, en Occident, si cette adaptation aux conditions nouvelles de la vie s’est accomplie sans trop grand décalage, empiriquement, sur le plan de la vie matérielle des individus et notamment de l’action productive, elle est par contre, à peine ébauchée au niveau de l’État et de l’action publique. L’organisation de l’État et ses méthodes, en effet, sont toujours inspirées, consciemment ou inconsciemment, d’idées et de concepts sur la Société et sur l’homme. Et ce sont précisément ces conceptions et ces idées que l’Occident n’est pas encore arrivée à ajuster aux données de la science moderne et des nouvelles structures économiques et sociales qui s’édifient. Pendant que le communisme tente d’imposer au monde un système sans doute efficace, mais rigide et sommaire, qui réduit à l’extrême la liberté de l’individu, ampute l’homme d’une partie de son être en le vouant ainsi inéluctablement, comme le montre l’histoire de tous les ritualismes, à l’atrophie plus ou moins rapide de ces facultés même d’adaptation.
Pressé par les événements, harcelé par une tactique communiste sans cesse en éveil, l’Occident s’efforce fébrilement, à tous les niveaux de sa vie sociale, de s’adapter empiriquement en utilisant ses vieilles formes et ses vieilles méthodes du XIXe siècle, sans pouvoir encore s’élever à des synthèses suffisamment hautes, qui lui permettraient, seules, de dominer son champ d’action journalière et d’orienter celle-ci avec force. L’adaptation est particulièrement difficile dans les pays comme la France, où l’intelligence a une démarche beaucoup plus logique qu’empirique, où l’action n’est prompte et puissante que si elle est éclairée par la pensée.
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