L’Otan et la CEE
Depuis 1959, plusieurs événements ont sensiblement modifié les données du problème des rapports entre l’O.T.A.N. (Organisation du Traité Atlantique Nord) et la C.E.E. (Communauté Économique Européenne). En 1959 la Communauté Européenne était encore très jeune. Certains doutaient de ses possibilités de réussite. Aujourd’hui, bien qu’encore jeune, elle est une réalité acceptée, elle a fait ses preuves. Plusieurs autres pays européens, dont la Grande-Bretagne, demandent à y adhérer ou à s’associer à elle. La scène européenne s’est, par elle, complètement transformée. Ensuite, en 1959, une phase particulière de l’histoire d’après-guerre touchait juste à son terme — à savoir la phase de la reconstruction européenne, liée à l’aide Marshall et l’O.E.C.E. Aujourd’hui l’O.E.C.E. a été remplacée par l’O.C.D.E. — organisation atlantique qui a pris la place d’une organisation purement européenne. Comme la scène européenne, la scène atlantique s’est transformée : lorsque le Président Kennedy parle de la loi d’expansion du commerce, il ne fait que marquer une nouvelle étape de cette transformation. Ensemble, nous nous trouvons tous au seuil d’une nouvelle ère, celle du « partnership » atlantique.
Ces deux grands changements ont coïncidé, sans que leur coïncidence eût été le fait du hasard. Chacun est en partie cause de l’autre, et en partie son effet. En 1959, lorsque je parlais de la Communauté européenne, je m’en faisais l’avocat. Aujourd’hui, je parle en tant que citoyen atlantique, j’essaie d’esquisser ce que sont les responsabilités atlantiques que j’assume, dans le double cadre de l’alliance qui existe déjà et du « partnership » qui va s’instaurer.
À ces deux changements s’en est ajouté un troisième. Tout récemment l’Union Soviétique a commencé à manifester un nouvel intérêt à la Communauté Européenne. Dès le début, naturellement, cette Communauté a été la cible d’attaques qui paraissaient relever de la routine. Or les attaques sont devenues plus sérieuses, plus subtiles, plus soutenues. Au printemps dernier, M. Khrouchtchev a défini le Marché Commun comme « une association monopoliste d’État de l’oligarchie financière de l’Europe occidentale, dont les milieux agressifs de l’impérialisme se servent pour renforcer l’O.T.A.N. et pour accélérer la course aux armements ». Il était paradoxal, pour ne pas dire plus, qu’à peu près à la même époque quelques-uns des amis et alliés de la Communauté européenne fussent en train de creuser le même problème, se demandant — et nous demandant — comment une Europe unie pourrait au mieux s’insérer dans le cadre atlantique, alors que d’autres exprimaient leur appréhension que l’Europe fût tentée par le vieux mirage de ce que l’on appelle la « troisième force ».
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