Retour à Tahiti
Tahiti se trouve au premier plan de l’actualité mondiale depuis que, le 2 juillet dernier, a explosé sur le « site » de Mururoa la première des bombes atomiques françaises qui doivent être expérimentées dans le Pacifique. Le fait est à noter, car il faut remonter à plus d’un siècle en arrière, à l’« affaire Pritchard » qui, en 1848, lors de l’établissement de notre protectorat sur l’île, avait failli provoquer une guerre entre l’Angleterre et la France, pour voir le nom de Tahiti associé aux grands événements de l’histoire contemporaine…
Cette île, en dépit de son isolement — elle est à plus de 17 000 kilomètres avec un décalage de 11 heures et située aux antipodes de la métropole — est pourtant très connue des Français. Rares sont encore, cependant, ceux de nos compatriotes qui ont eu l’occasion de s’y rendre, aussi bien comme touristes que comme missionnaires du Centre d’Expérimentation du Pacifique, le « C.E.P. » qui est depuis quelques années à l’origine du plus important courant migratoire qui se soit jamais établi entre la France et la Polynésie. Ce courant nouveau, très spécifique, d’ailleurs parallèle à l’accroissement considérable du flux touristique aérien que l’on constate dans le monde et tout particulièrement dans le Pacifique, a pour conséquence une mutation complète, un véritable bouleversement des conditions de vie locales et de la civilisation polynésienne, que nous avait appris à connaître, à aimer et dans une certaine mesure à envier, toute une littérature exotique plus que séculaire. À la notion préexistante du « bon sauvage » chère à Jean-Jacques Rousseau et à Bernardin de Saint-Pierre, elle associait des épisodes épiques, tel que celui des révoltés du Bounty, les relations plus ou moins autobiographiques d’un Julien Viaud passé à la postérité sous le pseudonyme de Pierre Loti hérité du surnom que lui avaient donné les Tahitiens, ou encore les évocations picturales des « vahinés » qu’un Gauguin a rendues à jamais célèbres.
Aujourd’hui, aussi regrettable que cela soit, cette civilisation polynésienne est en train de se transformer très rapidement et l’on peut dire, pour paraphraser une formule célèbre, que « la Polynésie de papa » se meurt. À ces éléments traditionnels, dont le charme demeure, s’ajoutent des éléments nouveaux, fondamentalement différents, tout droit issus de notre civilisation moderniste, matérielle et universaliste qui tendent à faire disparaître chaque jour un peu plus certains des caractères propres à la Polynésie, qui en faisaient son charme particulier. La Polynésie, après avoir vécu, grâce à son isolement relatif, une vie propre dans un monde à part se voit, depuis cinq ans surtout, brutalement mise en contact avec le monde du XXe siècle, ce qui crée sur place des problèmes angoissants qui sont loin d’avoir tous trouvé une solution…
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