Politique et diplomatie - Le voyage en URSS [du général de Gaulle]
Du 20 juin au 1er juillet, le Général de Gaulle a été l’hôte du gouvernement soviétique. Outre les importants entretiens que sa visite lui a permis d’avoir avec les dirigeants de l’U.R.S.S., ce voyage l’a mis en prise directe avec la réalité soviétique et avec les foules qui s’étaient rassemblées partout pour l’accueillir. À cet égard, ce voyage marque une date et constitue un succès. C’est en effet, on l’a relevé, la première fois qu’un chef d’État français est officiellement reçu en terre soviétique. Mais c’est surtout la première fois, depuis le début de la guerre froide, qu’un homme d’État occidental reçu en Union soviétique est accueilli avec une telle chaleur dans un climat d’amitié et de confiance mutuelle retrouvées.
En ce sens, le voyage constitue un symbole et une promesse : symbole des transformations qui ont marqué la situation internationale et particulièrement les relations de la France et des pays de l’Est depuis que l’Europe, en conséquence de Yalta et des antagonismes qui en résultèrent, s’était trouvée, après la guerre, divisée en deux camps hostiles. Promesse : en ce sens qu’il est démontré que le représentant d’un pays occidental — qui entend le rester et qui le proclame — est accueilli par le peuple soviétique avec un réel enthousiasme pour peu qu’il ait manifesté sa volonté d’indépendance et qu’il s’efforce de rassembler l’Europe tout entière. Encore faut-il noter qu’aucun homme d’État vivant n’a aujourd’hui le prestige du Général de Gaulle et que bien peu sont capables d’exprimer comme lui, ce que les peuples sentent et attendent en commun : la paix et le progrès. Si la réduction progressive des obstacles qui séparent encore l’Europe en deux est un objectif légitime, l’aspect psychologique et les conséquences affectives du voyage ne doivent donc pas être sous-estimés. Quoi de plus important que de faire réviser de part et d’autre l’opinion que les différences de régime qui séparent l’Est et l’Ouest séparent deux mondes ennemis ! Si le voyage du Général de Gaulle n’avait eu d’autre résultat que de faire apparaître, au-delà des idéologies, la fraternité profonde des hommes et leur communauté de destin, il aurait été déjà une contribution importante à la cause de la paix et de la coopération. Nul mieux que lui, en raison de la légende qui, déjà, s’attache à son nom, ne pouvait entreprendre cette tâche de réconciliation et de réunification européennes.
Mais entreprendre n’est pas aboutir ; et ce n’est pas évidemment d’aboutissement qu’il pouvait s’agir. Aussi ceux qui ironisent sur les résultats du voyage en arguant qu’il n’a rien résolu, sont-ils à côté de la question. Le fait est que le climat des relations franco-soviétiques s’est encore amélioré. Une étape a été franchie dans une voie qui, sans doute, en comporte d’autres avant que l’on approche du but. Mais il fallait ouvrir la voie. On peut penser que c’est fait.
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