Politique et diplomatie - Perspectives européennes – Isolement américain ?
Discrètement, les gouvernements de l’Espagne franquiste et de la Roumanie communiste viennent de signer le 5 janvier 1967 à Paris, un accord instituant dans chacun des deux pays, une représentation de l’autre au niveau consulaire. On s’achemine ainsi vers une reprise des relations diplomatiques normales entre l’Espagne et l’ensemble des pays de l’Est. Cette évolution est intéressante à plus d’un titre.
D’abord, elle consacrera la fin de la solitude internationale dans laquelle s’était trouvé, après 1945, le gouvernement espagnol issu de la guerre civile. Depuis quelques années déjà, le général Franco procède pas à pas à une libéralisation prudente du régime. Proposée le 22 novembre 1966, une réforme constitutionnelle de portée limitée a été adoptée par référendum le 14 décembre. Ce que l’action des grandes puissances, la pression extérieure, l’ostracisme des Nations Unies, n’avaient pu produire dans les années de l’après-guerre est aujourd’hui devenu possible, grâce à l’élévation du niveau de vie qui est sensible en Espagne, comme partout ailleurs en Europe. Qui plus est, cette libéralisation est aujourd’hui rendue nécessaire par les échanges de personnes — travailleurs et touristes — qui ont brassé des années durant Espagnols et Européens.
En outre, le rétablissement des relations normales entre l’Espagne et les pays communistes signifiera la fin d’une période marquée, pour l’Europe, par l’affrontement militaire entre pays professant des idéologies opposées et ayant des systèmes politiques et sociaux différents, période qui commence avant la deuxième guerre mondiale, avec la guerre civile espagnole en 1936 — voire avec l’intervention alliée contre les bolcheviks en 1918 (1) et qui s’est prolongée bien au-delà de la fin des hostilités de 1945. On peut penser, en effet, que l’Europe d’après 1960, pour des raisons qui tiennent à la technique (apparition des armes nucléaires) et à l’économie (prévention et contrôle des crises économiques, augmentation de la production, de la consommation et élévation du niveau de vie), au moins autant qu’à la politique, est devenue une zone de paix. L’accord hispano-roumain est à cet égard un nouvel exemple de l’évolution générale en Europe qui conduit à la normalisation et à l’intensification des relations entre pays ayant des systèmes différents, même lorsqu’ils se situent aux extrémités opposées de l’éventail politique.
Il reste 71 % de l'article à lire