NDA : L'article qu'on va lire s'inspire, naturellement, des nombreuses publications américaines qui traitent de « coût-efficacité » et de « planning-programming-budgeting ». Il est également tributaire des travaux français en la matière, notamment ceux de la commission « coût-efficacité » présidée en 1966 par le général Delachenal, des groupes de travail qui lui ont succédé, du Centre interarmées de recherche opérationnelle, et du Centre de prospective et d'évaluation, maintenant chargé par le ministre de piloter la mise en œuvre du « système 3PB » au sein du ministère des Armées.
Rationalisation des choix militaires
Cout-efficacité, analyse de systèmes, P.P.B.S. (1), ces termes et ce sigle, avec des sens quelque peu variés et imprécis, apparaissent de plus en plus souvent dans l’abondante littérature du « management » des affaires publiques ou même privées. Nous voudrions, dans cet article, exposer ce qui paraît être la philosophie de tout l’effort de rationalisation que traduisent ces vocables lorsque cet effort s’applique à la défense, mais surtout essayer d’en marquer à la fois l’importance, les possibilités et les limites.
L’importance, à vrai dire, on la perçoit immédiatement. Voici près de vingt ans déjà que le colonel Ailleret mettait en pleine lumière dans un petit livre intitulé « L’art de la guerre et la technique » le phénomène nouveau d’une « manœuvre des recherches et fabrications ». Il montrait que, de nos jours, l’extrême rapidité d’évolution des armements déplaçait nécessairement l’attention du chef militaire. Celle-ci, jusqu’alors axée surtout sur l’emploi de moyens considérés approximativement comme des constantes, avait à se tourner vers ces moyens eux-mêmes, devenus des variables dont le chef doit tenir compte comme telles, et sur lesquelles il doit agir. Plutôt que de « manœuvre des recherches et fabrications » ou de « manœuvre technique », il faudrait parler maintenant d’une manœuvre globale de préparation dans laquelle la science, la technique, l’art militaire, l’organisation industrielle et l’économie ont leurs parts, étroitement imbriquées d’ailleurs. De nos jours, cette manœuvre est voulue et estimée assez décisive pour assurer à elle seule la défense : car telle est, au fond, la philosophie de la dissuasion, où l’emploi, au moins dans un conflit majeur, n’est plus qu’un ultime et catastrophique recours, en même temps qu’un constat d’échec.
Mais ce qu’il faut souligner, c’est à quel point les décisions et les choix qu’implique cette manœuvre sont devenus difficiles. Les équipements sont d’une extraordinaire complexité. Leurs coûts sont de plus en plus élevés. Les solutions et les variantes se multiplient presque à l’infini. L’évolution des possibilités ouvertes est extrêmement rapide, mais les délais de réalisation, en cette stratégie de préparation, sont très longs et sans commune mesure avec ceux de la stratégie d’emploi. Chaque décision est donc prise en fonction d’un avenir lointain plein d’incertitude.
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