Institutions internationales - La Convention de Lomé - L'Europe et la crise de l'énergie - L'Europe, l'ONU, Chypre - L'Europe et le monde latin
Plusieurs grands événements internationaux des dernières années incitent à évoquer certaines maladies, qui paraissaient guéries parce que les souffrances qu’elles provoquaient s’étaient apaisées, et qui brusquement se manifestent à nouveau. Les causes restent présentes, seuls les effets prennent une forme nouvelle.
Dans notre dernière chronique, nous évoquions la décision soviétique de ne pas mettre en application le traité commercial conclu avec Washington, et présenté comme un succès de la coexistence pacifique. Derrière ce recul soviétique apparaissent plusieurs autres problèmes, celui de la situation au Moyen-Orient, celui du Cambodge, celui de l’effort soviétique en matière d’engins stratégiques : qu’il s’agisse de ces deux régions ou de cette course aux armements, ce sont des problèmes qui ont cristallisé les inquiétudes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et dont on n’imagine pas qu’ils pourraient recevoir une solution à long terme, tant leurs données sont complexes, contradictoires et génératrices d’autres problèmes.
Fin février, l’Inde a demandé à l’Union soviétique d’accroître son aide militaire, ce qui amplifie la dimension d’un problème nouveau, celui de l’océan Indien. Sans doute celui-ci n’a-t-il jamais été vraiment négligé par la réflexion politique et par les plans stratégiques, mais c’est surtout la prochaine réouverture du canal de Suez qui lui confère une actualité particulièrement préoccupante. Les guerres qui sévissent en Érythrée et au Dhofar, l’implantation chinoise en Tanzanie, certaines ambitions soviétiques, la crise malgache, l’attention que les États-Unis portent à l’archipel des Chagos en raison de la situation exceptionnelle de la base de Diégo-Garcia, etc. montrent que cette zone du globe peut devenir l’un des grands enjeux des rivalités internationales. Mais qui se souvient encore du drame du Cachemire ? Ce fut une guerre atroce, dans les premiers temps de l’indépendance hindoue. Le 25 février, l’accord conclu entre le gouvernement de New Delhi et Sheikh Abdullah a, semble-t-il, mis le point final à l’intégration du Cachemire – État à majorité musulmane – dans l’Union indienne, et il va renforcer la position de Mme Gandhi lors des pourparlers avec le Pakistan pour une solution définitive de ce problème épineux, encore que nul ne se préoccupe des sentiments des habitants du Cachemire. Cette importance acquise par l’océan Indien et ses pays riverains n’a pas eu, jusqu’ici, de répercussions dans les institutions internationales.
La Convention de Lomé
Une convention liant pour cinq ans la Communauté européenne à 46 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) a été signée le 28 février 1975 à Lomé, capitale du Togo. Ces 45 pays groupent 268 millions d’habitants, et la Communauté économique européenne (CEE) est de loin leur premier partenaire commercial. Cette convention est un épisode important de l’histoire assez mouvementée qui commença il y a vingt ans, lorsque la France obtint de ses partenaires (parmi lesquels les Allemands et les Néerlandais étaient très réticents) l’association à la CEE de 18 pays africains francophones : ce fut le Traité de Yaoundé, deux fois renouvelé. En 1973, lors de l’adhésion de la Grande-Bretagne, il fut stipulé que 20 pays d’ACP, qui étaient liés à celle-ci, pourraient rejoindre les anciens associés. Les intéressés se montrèrent sceptiques, cependant que l’importance acquise par la langue anglaise dans le nouvel ensemble portait atteinte à la prédominance du français. Pour rechercher des solutions, ces pays disparates de langue, de culture, d’intérêts, s’organisèrent et neuf d’entre eux, conduits par le Sénégal, négocièrent pour tous, et plusieurs autres pays africains obtinrent de se joindre à ce groupe : l’Éthiopie, le Soudan, le Liberia, les trois Guinées. MM. Deniau et Cheysson qui, au sein de la Commission de Bruxelles, avaient la charge de cette affaire, lancèrent une idée d’avant-garde : garantir à ces pays non plus seulement des prix, mais un revenu sur lequel ils puissent compter pour leurs investissements. De longues négociations, quatre conférences ministérielles, dont l’une à la Jamaïque, des moments difficiles, une crise à propos du sucre, aboutirent à la Convention de Lomé. Celle-ci prévoit un système de coopération complexe mettant en œuvre tous les instruments d’aide au développement, de coopération commerciale, industrielle et technique, d’assistance financière, etc. Elle garantit en particulier aux « 46 » la stabilité de leurs recettes d’exportation, donc les protège contre les risques de mauvaise récolte ou de chute des cours. Elle prévoit en outre une assistance financière de 16,5 milliards de francs. Ce texte est purement économique, mais sa signification est d’ordre politique. Le dialogue entre pays développés et ceux en voie de développement prend une forme nouvelle ; la convention sera mise en œuvre dans le cadre d’une structure : un conseil des ministres, une assemblée consultative paritaire, un comité d’ambassadeurs. Les « 46 » ont en outre décidé de maintenir leur unité au sein du « groupe des 77 », où se retrouvent les pays du Tiers-Monde. Les 55 signatures de Lomé représentent la moitié des voix aux Nations unies. À part l’ensemble de l’Union sud-africaine, c’est toute l’Afrique qui s’associe à l’Europe, les riverains de la Méditerranée préparant, nous l’avons signalé dans notre dernière chronique, un accord comparable à celui de Lomé.
L’Europe et la crise de l’énergie
Alors que les Européens ne parvenaient pas à formuler pour eux-mêmes une politique énergétique commune, M. Kissinger cherchait à profiter au maximum de la conjoncture pour atteindre son objectif ultime : briser le monopole créé en octobre 1973 par les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Les initiatives prises à Washington pour parvenir à cette fin sont de valeur inégale mais elles ont déjà, sur le plan psychologique, marqué un point incontestable. Il y a encore quelques semaines, les réunions de l’Opep étaient seules à attirer vraiment l’attention de l’opinion publique et des gouvernants, tous ayant l’impression que les décisions importantes dépendaient de l’Opep et d’elle seule. Les choses ont commencé à changer : les phases de l’organisation du camp des pays importateurs, sous la conduite de fait des États-Unis, apparaissent de plus en plus comme un élément fondamental dans la vaste partie qui se joue. C’est pourquoi la création de l’« Agence internationale de l’énergie », qui comprend 16 pays (la France en reste absente) est un acte important. Le 3 février, à la veille de sa première réunion, M. Kissinger a préconisé la fixation par les pays importateurs d’un prix-plancher pour le pétrole, afin de garantir le revenu des sociétés. Reste à savoir si la meilleure façon d’obtenir une baisse du prix fixé par l’Opep est de proposer un prix-plancher plutôt qu’un prix-plafond. La réponse dépend du niveau auquel est arrêté le prix minimum : il semblait fin février qu’à Washington on pensait à un cours de l’ordre de 6 à 7 dollars le baril, alors que le prix international imposé par l’Opep dépasse 10 $. À plus ou moins long terme il s’agit, dans cette perspective, d’enlever aux pays de l’Opep le rôle d’organe de décision exclusif en matière de prix du pétrole. Si les pays consommateurs ont eux-mêmes fixé un cours directeur et si le marché, comme c’est le cas actuellement, est orienté à la baisse, on peut se demander lequel des deux prix finira par prévaloir, celui des vendeurs ou celui des acheteurs. Si, sur ce terrain, la stratégie de M. Kissinger paraît assez bien fondée, il n’en est pas de même sur le terrain monétaire…
Le 25 février, la Commission européenne a transmis aux gouvernements des « Neuf » deux communications, l’une qui traite de la manière dont devrait s’organiser la coopération entre pays consommateurs, l’autre qui décrit les mécanismes économiques sur lesquels devrait s’appuyer la politique de développement des ressources alternatives. Très vite, selon Bruxelles, les pays consommateurs devraient fixer en commun « des objectifs d’exploration et de production d’énergie ». M. Simonet, le vice-président de la commission compétente pour ces affaires, notait, devant les ministres de l’Industrie le 14 février, que cet inventaire des possibilités futures de l’offre, établi en commun par les pays consommateurs, constituerait un des éléments essentiels de la position de négociation vis-à-vis des producteurs. Une partie de l’effort engagé pour produire davantage d’énergie se justifie par des considérations de sécurité, en d’autres termes par la volonté de réduire la dépendance des pays industrialisés à l’égard de l’Opep. La seconde étape interviendrait une fois engagé le dialogue avec les pays producteurs et entrevus les résultats probables de ce dialogue. En fonction de ceux-ci les pays consommateurs pourraient mieux apprécier le poids à attacher aux conditions de sécurité et préciser de la sorte leurs objectifs chiffrés de production. Ceux-ci seraient établis en fonction d’un ensemble de prix de référence convenus entre pays consommateurs pour le coût de développement à long terme des sources d’énergie alternative. C’est également durant cette seconde étape que les pays consommateurs arrêteraient les mesures et mécanismes destinés à garantir la réalisation des investissements engagés. Quels pourraient être ceux-ci ? La Commission estime qu’il convient de distinguer trois objectifs.
• Il faut s’assurer qu’en aucune circonstance des décisions en matière de prix du pétrole ne puissent mettre en péril le développement à long terme de l’approvisionnement en énergie des « Neuf », tel qu’il résulte de leurs programmes de production. Il ne s’agit pas de rendre possible une production forcée, pour réduire très vite et très fort la dépendance extérieure, mais, plus modestement, de permettre la réalisation des programmes de développement à long terme conçus par les pays de la CEE. Ces programmes visent à réduire la dépendance énergétique des « Neuf » de 65 % aujourd’hui à 50 % en 1985. Pour atteindre sans à-coups cet objectif, la Commission propose aux « Neuf » de fixer un prix-plancher du pétrole, calculé sur la base du coût de production des ressources alternatives (dans la CEE, il s’agirait essentiellement du coût de l’électricité d’origine nucléaire). Des mesures communautaires seraient prises afin de garantir ce prix-plancher contre toute menace de baisse. Ce prix-plancher serait relativement bas : environ 6 $ le baril.
• Les pays consommateurs qui voudront, pour des raisons politiques, de sécurité, réduire de manière accélérée leur dépendance extérieure devront s’engager dans des investissements à coût plus élevé. Un tel mouvement est d’ailleurs amorcé dans la CEE puisque le Conseil des ministres des « Neuf », sans prendre d’engagement précis, a retenu comme objectif souhaitable de ramener la dépendance extérieure de la Communauté en 1985, non seulement à 50 %, objectif minimum, mais si possible à 40 %. Pour garantir la rentabilité des investissements indispensables, la Commission suggère l’adoption de mécanismes « permettant de répartir les charges de l’effort commun entrepris ». En clair, la Communauté subventionnerait les investissements engagés pour atteindre un niveau d’approvisionnement politique souhaitable, la charge de l’opération étant répartie entre l’ensemble des États membres.
• Il peut être intéressant à cet effet de maintenir ou de développer certaines sources d’énergie (les schistes bitumineux, par exemple) dont le coût actuel d’exploitation est supérieur au coût moyen de production nécessaire pour atteindre le seuil d’indépendance convenu entre les « Neuf ». Dans ce cas, la solidarité entre pays consommateurs n’aurait pas à jouer systématiquement, estime la Commission. Les charges qu’impliquerait le développement de telles sources d’énergie feraient l’objet d’une répartition étudiée cas par cas, selon la nature des objectifs poursuivis et des bénéficiaires.
Ce dispositif de soutien de la production de ressources énergétiques nouvelles par la Communauté ne coïncide pas avec le plan auquel songent les Américains. Ceux-ci souhaitent atteindre une indépendance énergétique totale dans un délai rapproché : ils envisagent donc un prix de référence couvrant le coût marginal d’exploitation des énergies les plus onéreuses. Il s’agirait là d’un niveau de référence plus élevé que celui imaginé comme prix-plancher commun par la Commission. Celle-ci estime que cet écart est sans gravité. Il est tout à fait imaginable, compte tenu des différences que présentent les conditions d’approvisionnement en énergie et les structures économiques entre les divers pays consommateurs, que l’on fixe à des niveaux différents les prix de référence déterminant l’application des mécanismes de solidarité, en particulier la mise en œuvre de compensations aux frontières. Cela, fait-on valoir à Bruxelles, serait conforme à la situation antérieure à 1972 : à cette époque, les prix moyens de l’énergie en Europe, au Japon et aux États-Unis présentaient déjà des différences importantes.
Ces propositions de la Commission de Bruxelles sont importantes en elles-mêmes et par leur signification politique. C’est qu’en effet, jamais autant qu’en ce début d’année l’Europe n’a été aussi absente là où se prennent les grandes décisions sur la paix, la sécurité, l’économie, l’énergie. Cette constatation a amené la Commission à se mobiliser pour engager un programme d’actions concrètes portant à la fois sur des tâches urgentes (priorité à la lutte contre la crise économique) et sur l’organisation de l’avenir de l’Europe : l’union européenne. Mais les travaux européens restent hypothéqués par les incertitudes britanniques, à quelques semaines du référendum sur le maintien de l’appartenance à la Communauté européenne. Il semblait, fin février, que M. Wilson pourrait présenter la « renégociation » comme une victoire pour les travaillistes. Mais on ignore la forme de la question qui sera posée. On pensait qu’elle aurait la forme suivante : « Le gouvernement a annoncé les résultats de ses renégociations : pensez-vous que le Royaume-Uni doit continuer à faire partie de la Communauté européenne ? Répondez par un oui ou par un non ». Si telle est la question retenue, un sondage, auquel ont procédé les National Opinion Polis, révèle qu’une nette majorité des Britanniques, de l’ordre de 13 %, se prononcerait pour le « oui » par crainte, avant tout, de l’inconnu. Mais si la question était renversée, la majorité pour le « non » pourrait être de l’ordre de 0,2 % à plus de 4,5 %. Le cabinet travailliste, sérieusement divisé sur le problème, entend donner l’impression d’une totale objectivité. Il envisage la publication d’un document officiel qui sera envoyé à chaque électeur pour expliquer les résultats de la renégociation et la décision du Gouvernement. Tous les votants recevront par ailleurs un second document exposant en termes succincts les thèses opposées, celle des pro-européens et celle des adversaires du Marché commun.
L’Europe, l’ONU, Chypre
La proclamation, le 13 février 1975, d’un État autonome turc chypriote dans la partie septentrionale de l’île a suscité une nouvelle poussée de fièvre en Méditerranée orientale. Si l’on s’en tient à la réalité des chiffres, force est de reconnaître que les Turcs occupent 40 % de la superficie de l’île de Chypre depuis août 1974. M. Denktash, chef de la communauté chypriote turque, avait déclaré : « La suspension de l’aide militaire américaine à la Turquie entraînerait la proclamation d’un État turc indépendant à Chypre ». La proclamation du 13 février n’a donc eu aucun effet de surprise : le 5 février, le Congrès américain a interrompu toute aide militaire à la Turquie, en ne cachant pas que son geste devait être considéré comme une sanction contre l’intervention turque à Chypre. Aussitôt le gouvernement d’Ankara se retira des conversations avec les Grecs et annula un rendez-vous pris avec M. Kissinger. Puis, le 12 février, il informa Washington que la Turquie se réservait d’agir librement à l’égard de l’Otan. Le 1er février pourtant, la tension paraissait devoir s’atténuer : Ankara avait accepté « en principe » d’aller devant la Cour internationale de Justice à propos de son différend avec la Grèce quant à la mer Égée. Athènes espérait voir la limite des eaux territoriales portée à 12 milles, ce qui lui aurait donné un argument juridique de poids. Le Congrès américain a, le 3 février, refusé une nouvelle prolongation du délai concernant l’aide militaire à la Turquie. Dès le lendemain, M. Irmak, Premier ministre, a déclaré que cette décision du Congrès américain amènerait la Turquie à réexaminer sa contribution à la défense collective de l’Otan. Tout en affirmant qu’il n’est pas question pour la Turquie de se retirer de l’organisation militaire de l’Alliance atlantique, M. Irmak a déclaré que son pays ne voit désormais aucun intérêt à la poursuite de négociations avec Washington sur les accords de défense : le problème se pose ainsi sur le plan des accords bilatéraux américano-turcs, non sur celui de l’organisation multilatérale. Mais il n’en demeure pas moins qu’en raison de l’importance stratégique du territoire turc, tout ce qui affecte les accords bilatéraux affecte l’organisation multilatérale. Ankara pourrait contraindre les Américains à renoncer à plusieurs de leurs bases, et il serait question qu’Ankara « débranche » le Early warning (système d’alarme) dont la base américaine de Pirinclik, près de Diyarbakir, constitue un maillon important.
L’aide militaire américaine s’est élevée, depuis l’adhésion de la Turquie à l’Otan en 1952, à 4 Mds de dollars. Elle était de l’ordre d’une centaine de millions de dollars en 1969 ; en 1973, elle était tombée à 60 M$. L’année dernière, sur les 100 M$ initialement prévus, 64 seulement ont été accordés, en guise de représailles contre l’intervention turque à Chypre. Washington avait, en outre, promis 75 M$ sous forme de crédits pour l’achat de matériel de guerre, sans compter les 20 M$ prévus pour l’acquisition de McDonnell Douglas F-4 Phantom II. Huit de ces appareils ont été livrés à ce jour. De même, Ankara s’était récemment porté acquéreur de matériel militaire américain pour 290 M$. Le budget turc pour 1975 s’élève à 108 Md de livres turques, soit environ 7 Md$ : comparée à ce chiffre, une aide de 60 M$, dit-on à Ankara, n’est pas considérable. Après la suspension de la vente d’armements américains, la Turquie s’apprête à chercher d’autres fournisseurs et à développer son industrie d’armement. Le 3 février 1975, dans une interview au journal Milliyet, M. Sauvagnargues, ministre français des Affaires étrangères, déclarait : « Il est bien évident que nous n’aurions aucune objection de principe à la cession de matériel militaire à un pays ami et allié comme la Turquie. Si nos entreprises étaient sollicitées, j’imagine qu’elles apporteraient tous leurs soins à répondre aux vœux de leurs interlocuteurs ». Ankara pourrait aussi s’adresser à l’Allemagne fédérale et à la Libye. Il n’est pas impossible que l’Italie et la Suède soient également sollicitées. Certains observateurs pensent d’autre part que la Turquie, tout en restant membre de l’Otan, pourrait reprendre en considération la proposition soviétique de conclure un pacte de non-agression entre les deux pays. Formulée par M. Podgorny lors d’une visite officielle à Ankara en avril 1972, la proposition avait été, à l’époque, repoussée par les dirigeants turcs. Cependant il se pourrait que Washington essaie de passer outre à la décision du Congrès en faisant livrer à la Turquie de l’armement par le truchement de pays tiers. Si tel n’était pas le cas, les dispositifs sud-occidentaux de l’Otan seraient sérieusement menacés par d’éventuelles mesures de rétorsion prises par la Turquie.
La question chypriote a été portée devant le Conseil de Sécurité de l’ONU : la discussion s’est limitée à des exposés de principe, et il ne pouvait en être autrement.
L’Europe et le monde latin
Le 22 février 1975 à Chambord, avec Juan Carlos, l’Espagne demandait à M. Giscard d’Estaing l’appui de la France pour sa candidature à l’entrée dans le Marché commun. Le même langage a été tenu le 24 à Athènes par M. Caramanlis à M. Sauvagnargues. Voilà longtemps que les deux pays frappent à la porte de la Communauté : 1959 pour la Grèce, qui a signé avec elle un accord d’association deux ans plus tard ; 1962 pour l’Espagne, qui voulait adhérer, même s’il fallait dix ou vingt ans de régime transitoire. Certes, la faiblesse de leurs économies constituait une raison légitime de dire « non » : l’union douanière est un jeu brutal et il ne faut pas être trop vulnérable pour s’y engager. Mais le problème était essentiellement politique. Plusieurs gouvernements s’opposèrent à l’entrée du régime franquiste, et si, pour la Grèce, l’accord d’association paraissait devoir évoluer vers l’adhésion, il fut mis en veilleuse au temps des « colonels ». La France a de solides raisons d’appuyer la candidature de ces deux pays, qui restent deux des piliers du monde méditerranéen, et qui pourraient rééquilibrer l’influence de la Grande-Bretagne, de la République fédérale (RFA) et des pays nordiques. Encore faudrait-il qu’ils se montrent assez décidés à renforcer leurs économies pour pouvoir être accueillis par toute l’Europe. Mais qu’en sera-t-il de l’après-franquisme, et M. Caramanlis parviendra-t-il à réinstaller solidement la démocratie en Grèce ? Le problème était politique. Il reste politique. ♦