Aéronautique - Le XXXIe Salon international de l'Aéronautique et de l'Espace - Corvette dépasse le cap des 6 000 heures de vol - Les avertisseurs de proximité du sol - Israël : le chasseur-bombardier Kfir (jeune lion)
Le XXXIe Salon international de l’aéronautique et de l’Espace
Inauguré le 30 mai 1975 par le président de la République Valéry Giscard d’Estaing, le Salon du Bourget a fermé ses portes le dimanche 8 juin. La traditionnelle fête aérienne de clôture du Salon ayant été annulée pour des raisons de sécurité, c’est le samedi 7 qui a marqué le sommet de cette semaine aéronautique avec, en présence de M. Jacques Chirac, Premier ministre, la série des présentations techniques en vol, effectuées selon des consignes de sécurité renforcées. Ceci donne désormais au Salon, comme cela a été souligné par les personnalités officielles, un caractère de plus en plus essentiellement professionnel. Il semble même que soit déjà à l’étude, pour les années à venir, une formule consistant à réserver Le Bourget pour les présentations statiques des matériels, tandis que les démonstrations en vol seraient effectuées sur un terrain moins enclavé en zone urbaine que Le Bourget.
Comme à chaque Salon, les avions militaires de combat ont été cette année très nombreux. Parmi ceux qui furent en vedette il faut signaler les appareils suivants :
États-Unis : Grumman F-14 Tomcat (Navy) biplace biréacteur à flèche de voilure variable - McDonnell-Douglas F-15 Eagle biplace, biréacteur de l’Air Force - Northrop F-5E Tiger mono- et biplace biréacteur de combat et d’entraînement (Air Force) - General Dynamics F-16, monoplace monoréacteur de combat (Air Force) - Lockheed S-3A Vicking (Navy) biréacteur triplace de lutte anti-sous-marine (ASM).
Grande-Bretagne : L’appareil de combat VTOL (Avion à décollage et atterrissage verticaux) Harrier exposé aux côtés du nouveau biplace d’entraînement monoréacteur Hawk, présentés tous les deux par Hawker Siddeley ; la BAC a présenté des Jaguar en différentes configurations ; la mode rétro n’a pas été oubliée avec la présentation d’un Spitfire et d’un Hurricane de la Royal Air Force.
Suède : Ce sont deux Viggen mono- et biplace qui ont été présentés en vol ainsi qu’un biplace d’appui SAAB 105G.
L’Italie présentait le Macchi 326, monoréacteur d’appui feu.
La France enfin était représentée par la gamme des avions de combat produits par Dassault-Breguet Aviation : Mirage III et Mirage F1 (à réacteur Snecma de tous types, y compris le M53 monté sur F1E), Mirage IV bombardier stratégique (2 Snecma Atar), Jaguar de tous types biréacteurs Rolls-Royce-Turboméca, Adour, Alpha-Jet biplace d’entraînement biréacteur Snecma Turboméca, Larzac, Super-Étendard monoplace de combat embarqué (Snecma Atar), Atlantic biturbine de patrouille en mer (2 Snecma HS Tyne).
Les avions commerciaux de gros tonnage, outre les transports supersoniques Concorde et Tupolev 144, sont représentés par le McDonnell-Douglas DC-8, le Boeing 747F tout cargo, le Lockheed 1011 Tristar, la version série du Yak-40, le Tu-154, l’Il-76, l’An-26 et l’An-30, les VFW Fokker 614, 17 et 28, sans oublier les Airbus et Mercure.
Corvette dépasse le cap des 6 000 heures de vol
Plusieurs Corvette, en versions diverses, ont été présentés au Salon de l’aéronautique et de l’espace au Bourget.
Ce biréacteur léger construit par l’Aérospatiale totalise déjà plus de 6 000 heures de vol et aborde maintenant une phase de commercialisation intensifiée grâce notamment à la tournée en Asie et en Océanie et à la disponibilité prochaine d’un avion de démonstration aux États-Unis.
En Extrême-Orient, Corvette a effectué 40 vols de démonstration en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande et à Singapour. La visite de l’avion dans cette dernière ville coïncidait avec la Semaine commerciale française. M. Norbert Segard, ministre du Commerce extérieur, a fait à son bord le voyage de Djakarta à Singapour, puis à Kuala Lumpur. L’appareil a été présenté à de nombreuses personnalités officielles et à des dirigeants de sociétés privées.
En Australie, Corvette a couvert 8 900 km, effectuant 22 vols au cours desquels 126 personnalités ont été à son bord. Au retour, l’avion a fait des vols de démonstration en Jordanie et en Égypte.
Au cours de ce périple, Corvette a suscité un très vif intérêt. La capacité de sa cabine, sa souplesse d’utilisation, sa maniabilité et son adaptation aux terrains courts ont été particulièrement remarquées. Ces deux dernières qualités ont été magistralement démontrées au décollage, à Longreach, en Australie, lorsqu’un grand oiseau est entré dans le réacteur droit alors que l’avion venait à peine de quitter le sol à sa charge maximale. Le commandant de bord a pu interrompre sa manœuvre et poser l’appareil droit devant dans les limites réduites du terrain. Un réacteur de rechange est arrivé de France 60 heures seulement après l’incident.
D’autre part, trois Corvette ont été convoyés jusqu’à présent aux États-Unis où ils sont en cours de finition dans les ateliers d’Air Center, à Oklahoma City. Le premier, terminé en juin, servira d’avion de démonstration pour débuter la campagne de promotion aux États-Unis.
Une nouvelle société, Aerospatiale Aircraft Corporation, sera chargée de la commercialisation de Corvette aux États-Unis et au Canada et tous les accords en vigueur de l’Aérospatiale avec Air Center seront transférés sans changement à la nouvelle filiale.
Par ailleurs, le n° 14, livré à Air Languedoc a été mis en service régulier entre Paris et Béziers le 2 juin et le 15e Corvette a été remis récemment à une société suédoise de transport à la demande, Malmros Aviation, qui l’utilise en version affaires. C’est la première vente sur le marché scandinave.
Rappelons que Corvette est un avion destiné au transport de 6 à 14 passagers avec un équipage de deux hommes, sur des étapes allant jusqu’à 1 500 km, à une vitesse de croisière de 760 km/h. Ses deux réacteurs sont des UACL JT-15-DA à double flux, développant 1 050 kg de poussée et dont le niveau sonore de fonctionnement extrêmement bas est très inférieur au niveau maximum actuellement imposé par les normes internationales.
Les avertisseurs de proximité du sol
La Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a promulgué à la fin de l’année 1974 un nouveau règlement aux termes duquel tous les gros avions commerciaux de transport à turbo machines doivent être équipés avant le 1er décembre 1975 d’un avertisseur de proximité du sol (Ground Proximity Warning System, GPWS).
Il faut savoir en effet – les statistiques établies sur les vingt dernières années l’ont montré – que de nombreux accidents sont liés à des erreurs de navigation, de lecture d’instruments, à de mauvaises interprétations de données visuelles, etc., sans que l’avion soit en cause. Les recherches menées dans le but de réduire le nombre d’accidents de ce type ont ainsi conduit à la mise au point d’un dispositif simple et relativement peu coûteux dont le rôle est d’avertir le pilote que l’avion est sur le point de se trouver dans une situation dangereuse par rapport au sol.
Le GPWS – réalisé par la société américaine Sundstrand Data Control Incorporated –se compose d’un calculateur qui, d’une part commande l’allumage d’un clignotant avertisseur rouge marqué pull up placé devant chacun des pilotes, et d’autre part injecte dans les écouteurs et les haut-parleurs de la cabine un signal sonore : « whoop-whoop » suivi de « pull up » ou « glide slope ».
Le GPWS est entièrement automatique. Il se met en route dès le décollage et ne peut – sauf dans des cas particuliers bien définis – être mis hors circuit que par une manœuvre appropriée de l’équipage tendant à faire sortir l’avion de la zone dangereuse où il se trouve.
Cinq modes de fonctionnement ont été retenus.
• en mode 1 : le système avertit le pilote que la vitesse verticale de descente est excessive et qu’une manœuvre corrective est nécessaire pour éviter un impact au sol,
• en mode 2 : l’avertisseur protège l’avion contre le risque de collision en vol en palier à l’approche d’une élévation de terrain,
• en mode 3 : l’équipage est prévenu d’une perte d’altitude après le décollage,
• en mode 4 : le dispositif informe le pilote que le train d’atterrissage n’est pas sorti (hauteur inférieure à 500 pieds) ou les volets baissés (hauteur inférieure à 200 pieds) ou le taux de descente en approche trop élevé,
• en mode 5 : le GPWS est conçu pour fonctionner lorsque l’avion s’écarte au-delà d’une certaine valeur du faisceau de descente de l’ILS (Système d’atterrissage aux instruments).
L’avertisseur de proximité du sol constitue, à n’en pas douter, un progrès important dans la recherche d’une plus grande sécurité des vols. Pour le moment, la décision de le rendre obligatoire à bord des avions commerciaux ne concerne que les États-Unis. Il est à penser qu’à terme elle sera étendue aux autres avions de ligne et, sans doute aussi, aux avions d’affaires si tant est que son prix reste compatible avec celui de ce dernier type d’appareil.
Israël : le chasseur-bombardier Kfir (« jeune lion »)
Le gouvernement israélien a officiellement révélé, à la mi-avril 1975, l’existence d’un chasseur-bombardier entièrement fabriqué en Israël par la firme Israel Aircraft Industries : le Kfir (c’est-à-dire « jeune lion »).
Cet appareil qui est très largement dérivé du chasseur français Dassault Mirage V, est équipé d’un réacteur américain General Electric 579-17 dont l’installation a nécessité d’importantes modifications de la partie arrière du fuselage. En particulier, une entrée d’air additionnelle dorsale, très caractéristique, apparaît à l’avant de la dérive, et l’on note facilement une augmentation considérable du diamètre du fuselage arrière. Ces particularités s’expliquent par la nécessité d’isoler le fuselage du réacteur J79 qui chauffe nettement plus que l’Atar.
D’autres modifications plus ou moins visibles ont été apportées à l’avion français, telles que l’allongement de la pointe avant, le renforcement du train d’atterrissage pour permettre l’emport de charges plus lourdes, de nouveaux systèmes de visée de dispositif tête haute (head up display) de conception et de fabrication purement israéliennes.
Le Kfir est un appareil Mach 2,2 dont le poids au décollage serait de 14,5 tonnes pour une poussée de réacteur de 8 120 kg avec postcombustion. Par rapport au Mirage, le gain sur la charge utile est estimé voisin d’une demi-tonne, ce qui est loin d’être négligeable. D’après les Israéliens, il posséderait d’exceptionnelles qualités de maniabilité aux forts angles d’attaque, sous facteur de charge élevé et à faible vitesse. Son canon français DEFA de 30 mm est utilisable dans tout le domaine de vol. que ce soit en combat air-air ou en attaque au sol. Le plafond en configuration défense aérienne est de 50 000 pieds. Enfin, la conception du Kfir lui permet de n’avoir qu’une faible sensibilité aux turbulences à très basse altitude et à grande vitesse.
L’armement est constitué, en version assaut par des missiles Hugues Maverick et Rokwell International Hobo ainsi que des bombes et roquettes classiques, et en version défense aérienne par le missile israélien Shafir.
La construction d’un avion par l’industrie israélienne a été décidée en 1969 après l’annonce de l’embargo français sur les Mirage. Un prototype, le Black Curtain a volé en septembre 1971, et rebaptisé Barak après un certain nombre de modifications, aurait été fabriqué en série en 1972 et engagé dans les combats contre les Arabes en 1973, principalement en mission de couverture aérienne. Une quarantaine d’avions auraient alors été en service. Actuellement, les forces aériennes israéliennes disposeraient d’une centaine d’appareils, sous leur nom définitif de Kfir, et la dotation prévue serait de 200. Enfin, des contacts auraient été pris pour l’exportation du chasseur israélien au Pérou et en Afrique du Sud. ♦