Marine - Ouverture du canal de Suez - France : lancement du sous-marin Béveziers - Grande-Bretagne : des Harrier pour la Royal Navy - URSS : visite de bâtiments américains
Ouverture du Canal de Suez
Le Canal de Suez a été ouvert officiellement à la navigation le 5 juin 1975 au cours d’une cérémonie à laquelle ont participé des représentants des marines ayant pris part aux travaux de son dégagement. Ces travaux ont consisté dans le nettoyage du lit et des banquettes du canal d’où une très grande quantité d’engins explosifs et de matériels divers a été enlevée ; aucune mine marine n’avait été mouillée dans le canal par les belligérants.
L’US Navy, la Royal Navy et notre Marine ont participé à ces opérations de nettoyage.
Tout d’abord, les Américains ont envoyé sur place une flottille d’hélicoptères CH-56 Sea Stallion spécialisés dans le dragage des engins à influence. Cette flottille a opéré à partir des porte-hélicoptères Iwo Jima puis Inchon soutenus par le LST Barnstable County. Cette opération de contrôle a été achevée le 23 mai 1974.
Les Britanniques, de leur côté, ont entrepris des opérations mettant en œuvre le navire-base Abdiel et 3 dragueurs-chasseurs de mines qui ont soutenu des équipes de plongeurs-démineurs de la Royal Navy et de la marine égyptienne.
Notre marine a effectué, à la demande du gouvernement égyptien, une première opération baptisée Decan I qui s’est déroulée de juin à décembre 1974. La mission initialement prévue pour 3 mois a été prolongée d’autant à la demande des Égyptiens. Au départ, en effet, la tâche qui avait été confiée à notre marine était de nettoyer une partie des banquettes mais, rapidement, les Égyptiens ont demandé le concours de nos moyens pour, d’une part, vérifier le canal et, d’autre part, pour procéder à une nouvelle exploration d’une partie de la baie de Suez où se trouvait un certain nombre d’épaves et d’obstructions diverses.
Ces trois interventions ont permis à une entreprise civile américaine spécialisée de procéder à l’enlèvement d’une douzaine de grosses épaves et de commencer les opérations de dragage sur certains points du canal.
Les Égyptiens, craignant que ces travaux n’aient fait ressortir du fond des explosifs et de nouvelles obstructions, ont demandé, en janvier 1975 et spécialement à la marine française, par mesure de sécurité supplémentaire, d’entreprendre une nouvelle campagne de vérification des banquettes du lit du canal et de la baie de Suez ; ce fut l’opération Decan II qui a débuté le 18 février 1975. Prévue pour s’achever en juillet, elle a dû être accélérée par l’envoi d’autres moyens, le gouvernement égyptien ayant décidé d’ouvrir le canal en juin.
En résumé, notre marine, arrivée troisième sur les lieux, s’est vu finalement confier une part considérable des tâches demandées par les Égyptiens ; elle s’en est acquittée avec honneur.
La marine soviétique n’a pas participé aux opérations sur le canal lui-même mais elle s’est chargée, entre juillet et octobre 1974, du dragage des champs de mines (soviétiques) mouillées par les Égyptiens dans le détroit de Jubal à la hauteur de la pointe Sud de la presqu’île du Sinaï. Le porte-hélicoptères Leningrad et plusieurs bâtiments spécialisés ont pris part à cette mission.
Aucune opération n’a encore été effectuée sur le ou les champs de mines dont on a des raisons de supposer l’existence dans la zone côtière au voisinage de Port-Saïd.
L’ouverture du canal dont la profondeur n’a pas été sensiblement affectée par sa longue inactivité mais dont les installations à terre ont, par contre, beaucoup souffert, devrait permettre, sous réserve peut-être de quelques opérations ponctuelles de dragage, le transit des navires calant moins de 11 m. Il convient de souligner que le nombre de ces bâtiments dans le monde est important ; en conséquence, le canal devrait rapidement recouvrer son activité d’autrefois. On peut également supposer qu’il sera franchi à bref délai par les navires de guerre que les grandes marines déploient dans l’océan Indien, ce qui leur évitera le détour par l’Afrique du Sud comme ils y étaient jusqu’ici contraints. Cette obligation gênait notamment la marine soviétique qui, pour assurer une présence dans ce théâtre, était la plupart du temps obligée de dégarnir sa flotte d’Extrême-Orient.
France : lancement du Bévéziers
Le Bévéziers, second des quatre sous-marins de 1 200 t de la classe Agosta, a été mis à l’eau le 14 juin à Cherbourg.
Ce type de sous-marin, que la marine espagnole va construire à 2 exemplaires avec l’aide technique de la France et auquel s’intéressent plusieurs marines, présente les caractéristiques suivantes :
– déplacement : 1 200 t Genève, 1 750 t en plongée,
– dimensions : 67,57 x 6,80 x 5,40 m,
– propulsion : 1 moteur électrique principal de 3 500 kW, 2 groupes électrogènes de 850 kW, 1 ligne d’arbre,
– vitesse : 20 nœuds,
– distance franchissable : 8 500 nautiques à 9 nœuds au Schnorchel,
– armement : 4/TLT à rechargement très rapide, 20 torpilles,
– équipage : 7 officiers, 43 hommes.
Ces sous-marins à hautes performances seront les derniers à propulsion classique construits pour notre marine, celle-ci ayant décidé de ne plus construire désormais que des sous-marins nucléaires, même dans la catégorie des sous-marins dits d’attaque par opposition aux unités lance-missiles balistiques.
À propos de ces derniers, le ministre de la Défense a décidé de donner le nom d’Inflexible au 6e SNLE du type Le Redoutable, commandé comme ses prédécesseurs à l’arsenal de Cherbourg.
Grande-Bretagne : des Harrier pour la Royal Navy
Le ministre de la Défense britannique a annoncé le 15 mai 1975 que la Royal Navy allait acquérir 25 avions à décollage court ou vertical du type Hawker Harrier et que 2 croiseurs anti-sous-marins (ASM) supplémentaires du type Invincible seraient commandés.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas s’il s’agit d’une version navalisée du Harrier en service dans la Royal Air Force ou du super Harrier aux performances améliorées, notamment en ce qui concerne le rayon d’action, dont la fabrication avait été envisagée pour le compte de la marine. Quoi qu’il en soit, ces Harrier, en attendant la mise en service de l’Invincible, seront embarqués sur le porte-hélicoptères d’assaut Hermes qui va être transformé pour la mise en œuvre des avions ainsi que d’hélicoptères ASM.
Cette décision de construire deux Invincible supplémentaires et de commander 25 Harrier est vraisemblablement liée au désir du gouvernement britannique de promouvoir la vente à l’Iran d’un bâtiment de ce type avec son groupe aérien. Ce pays, en effet, s’y était en son temps vivement intéressé mais ce projet n’avait pas eu de suite, le choix de la marine iranienne s’étant porté sur le petit porte-aéronefs Sea Control Ship américain. L’US Navy ayant été, par suite d’une décision du Congrès, obligée de renoncer à ce projet, l’acquisition par l’Iran d’un Invincible se présente désormais sous des auspices favorables et le Royaume-Uni espère emporter cet important marché.
Le croiseur ASM Invincible, un moment désigné sous le vocable de Through Deck Cruiser, est en fait un petit porte-aéronefs puisqu’il est doté d’un pont continu et d’un îlot à tribord, mais c’est un porte-avions sans catapulte ni brins d’arrêt, ce qui l’empêche d’utiliser les avions classiques embarqués ; il est, par contre, tout à fait apte à utiliser des hélicoptères et des avions à décollage court ou vertical.
Gréé également en navire de commandement d’une force navale, il présente les caractéristiques suivantes :
– déplacement : 19 000 tpc,
– dimensions : 207 (ht) x 25,50 (flottaison) x 7,50 m,
– propulsion : 4 turbines à gaz Rolls Royce Olympus de 23 000 CV.
– vitesse : 28 nœuds,
– armement : 1 système Sea Dart de missiles surface-air à moyenne portée (15 nautiques – volume d’interception : 100 à 60 000 pieds).
Ses installations aéronautiques comprennent un pont d’envol d’environ 190 m de long relié à un hangar par deux ascenseurs légèrement décalés par rapport à l’axe du pont. Ce hangar, en fait, est divisé en deux parties reliées par un passage servant à des ateliers divers, en raison de la place que tiennent à tribord les aspirations d’air comburant et les cheminées évacuant les gaz chauds issus des turbines à gaz.
L’Invincible peut mettre en œuvre 5 avions type Harrier et 8 à 10 hélicoptères ASM du type Sikorsky SH-3 Sea King.
Il est équipé de nombreux radars dont l’un à grande portée destiné à donner un préavis d’alerte suffisant aux Harrier en attente sur le pont parés à décoller pour se porter à l’attaque des avions ennemis. Le faible rayon d’action opérationnel de ces appareils interdit en effet le maintien d’une patrouille en alerte en vol, comme cela est la règle avec les intercepteurs classiques embarqués.
URSS : visite de bâtiments américains
Le croiseur Leahy et le destroyer Tattnal, tous deux lance-missiles, ont effectué du 12 au 17 mai 1975, à l’occasion du 30e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, une visite de courtoisie à Leningrad.
En échange, les destroyers lance-missiles soviétiques Boikyi et Iguchyi ont séjourné à Boston.
C’était la première fois depuis 1945 que navires américains et soviétiques échangeaient des visites. ♦