Institutions internationales - Après le référendum britannique - Proposition maximaliste de la Commission de Bruxelles - Divergences de vues monétaires - Candidature de la Grèce à la Communauté économique européenne (CEE)
Après la conclusion, favorable aux États-Unis, de la compétition qui opposait une firme américaine et une firme française pour le renouvellement de la flotte aérienne militaire de quatre pays européens membres de l’Otan, il semblait que l’effort européen allait subir un nouvel affaiblissement. Le gouvernement des États-Unis avait posé le problème en termes de standardisation des armements au sein de l’Otan, le gouvernement français pensait que l’adoption du Mirage F1 M53 par la Belgique, les Pays-Bas, la Norvège et le Danemark pouvait permettre la mise sur pied d’une industrie aéronautique européenne : non seulement les intérêts étaient antagonistes, mais plus encore les perspectives politiques étaient différentes. Or, fin juin, une nouvelle initiative spécifiquement européenne a bouleversé les hypothèses que l’on pouvait formuler au lendemain de l’option atlantique des quatre pays européens. Sans doute n’émane-t-elle pas d’un gouvernement, ni du Conseil des ministres de la Communauté, mais de la Commission qui, par sa vocation même, telle qu’elle a été définie par le Traité de Rome (1957), et telle qu’elle s’est affirmée depuis à de nombreuses reprises, se veut l’élément moteur de la construction européenne. Elle n’en est pas moins significative, et elle ne peut que « relancer » les controverses sur la nature politique de l’Europe communautaire.
Après le référendum britannique
Le 5 juin, un peu plus de quarante millions de Britanniques se sont rendus aux urnes pour le premier référendum national de leur histoire. Ils devaient répondre par « oui » ou par « non » à une seule question : « Pensez-vous que le Royaume-Uni doive rester dans la Communauté européenne ? », ce scrutin étant en outre l’occasion d’une vaste remise en question d’un système politique et économique dont la faiblesse persistante de la livre souligne l’érosion. Les sondages donnaient au « oui » une avance assez substantielle sur le « non », mais l’Écosse, où les nationalistes jouaient un rôle déterminant dans la campagne pour le « non », offrait un exemple des problèmes ambigus et parfois brûlants que cette consultation sans précédent soulevait dans le pays. M. Wilson a largement gagné son pari, puisque le « oui » l’a emporté par 67,2 % des voix, et puisque deux comtés écossais seulement ont voté « non ». Immédiatement, M. Ortoli, président de la Commission, a exprimé sa satisfaction : « Ce résultat démontre l’accord profond du peuple britannique sur l’inspiration même de notre action aux uns et aux autres : c’est la conviction qu’il n’est pas de solution aux problèmes auxquels les pays de notre continent sont confrontés qui ne passe par l’Europe ». Toutefois, la satisfaction des milieux communautaires était plus nuancée. L’impression dominante était le soulagement. La Communauté échappait à l’inextricable confusion qui aurait suivi une victoire du « non ». Elle est sortie d’une période d’incertitude durant laquelle la crainte de donner des arguments nouveaux aux partisans du « non » a largement contribué à paralyser son action. On espère à Bruxelles que le Royaume-Uni va devenir enfin un État-membre comme les autres. Pendant l’année de « renégociation », les gouvernements partenaires, qui avaient fait le choix politique d’aider M. Wilson à maintenir son pays dans la Communauté, ont fait preuve de beaucoup de patience et de compréhension à l’égard des Britanniques et de leurs demandes. Cette période de bienveillance systématique est désormais révolue.
La question européenne est sortie du champ d’affrontement des partis britanniques pour acquérir une dimension nationale. Par ailleurs, un rapprochement entre les conservateurs et le gouvernement Wilson doit logiquement résulter de cette victoire du « oui » puisque tous deux avaient appelé à voter dans ce sens, ce qui permettrait au second de bénéficier de l’appui des premiers pour appliquer les mesures (annoncées pour le 1er août) de redressement économique et de lutte contre l’inflation, contre l’aile gauche travailliste. Par ailleurs, l’Écosse (ainsi peut-être que le Pays de Galles) tirera probablement un argument de la proportion des « non » pour accroître ses revendications d’autonomie, et sur le plan européen il n’est pas exclu qu’elle demande à exprimer ses propres positions de façon distincte de celles de la Grande-Bretagne au sein des instances communautaires, ce qui ne pourrait que soulever de sérieuses difficultés. Enfin, beaucoup s’attendent à ce que la Grande-Bretagne, entreprenant un effort de redressement économique au cours des prochains mois, s’avère un partenaire exigeant pour les autres membres de la Communauté. Peut-être sera-t-elle tentée notamment de limiter les importations en provenance du continent, ce qui serait contraire à la règle communautaire. Par contrecoup, les mesures d’austérité que prépare le gouvernement Wilson risquent d’entretenir la controverse européenne, les adversaires de l’adhésion britannique en attribuant la cause au maintien de leur pays dans la Communauté. C’est pourquoi il est permis de se demander si la Grande-Bretagne sera un moteur ou un frein pour l’Europe. Elle est désormais arrimée au continent. Mais est-ce pour imposer ses vues ou pour accepter celles qui avaient été définies par les continentaux ?
Proposition maximaliste de la Commission de Bruxelles
C’est au hasard qu’est dû le fait que la Commission des Communautés a, quelques jours après le référendum britannique, adressé aux neuf États-membres un rapport qui « relance » l’idée d’un gouvernement européen. Mais ce fait du hasard intervient alors que l’on peut considérer comme exclue l’adhésion de M. Wilson à l’idée d’intégration politique, même à celle d’un simple renforcement de ce qui existe.
Conformément au mandat qui lui avait été donné par le « sommet » européen d’octobre 1972, puis confirmé par celui de décembre 1974, la Commission s’est attachée à définir quels pourraient être, selon elle, les traits principaux de l’« union européenne » que les chefs d’État et de gouvernement se sont fixée comme objectif à atteindre avant 1980. Elle n’a pas voulu seulement s’acquitter de ce mandat, mais exprimer sa conviction qu’il y a place dans le monde pour une Europe unie et structurée. Pour mieux faire face, dit-elle, aux « changements dans les rapports internationaux » et aux difficultés économiques de l’heure, il n’existe, selon elle, pas d’alternative. « La coopération internationale au niveau mondial ne peut leur apporter qu’une réponse insuffisante en raison de la faiblesse de ses structures et de la disproportion des forces en présence… L’unité de l’Europe permettra seule de retrouver en commun l’indépendance perdue par chacun, indépendance qui est la condition de toute action novatrice ». La réflexion de la Commission l’a conduite à suggérer un « retour au principe de base de la Communauté : organiser une construction européenne par l’octroi de compétences à des institutions communes, là où de telles compétences permettent de mieux assurer la prospérité ».
Cette union européenne ne peut avoir comme objectif « la création d’un super-État centralisateur ». Seules les tâches que les États ne pourront plus accomplir « avec efficacité » devront être attribuées à l’union : ainsi sont distinguées les compétences « exclusives » (dévolues à l’union seule), les compétences « concurrentes » (partagées entre l’union et les États) et les compétences « potentielles » (réservées aux États mais susceptibles d’être ultérieurement dévolues à l’union). L’objet privilégié des compétences communes reste « la construction d’un ensemble économique et social intégré ». Les échecs passés « n’enlèvent pas pour autant sa validité à l’objectif de l’union économique et monétaire » qui doit demeurer prioritaire, même s’il convient d’en donner « une meilleure définition », accompagnée et soutenue par la mise en œuvre de moyens appropriés. L’union devrait avoir pour tâche de prendre directement en charge les problèmes dont la solution dépasse la possibilité d’action efficace des États-membres. Au premier rang de ceux-ci, la Commission cite la gestion monétaire. « La monnaie conditionne la possibilité de gérer, au niveau de l’union, toute une série de politiques, comme la politique agricole, la politique commerciale extérieure, la politique de la concurrence, la libre circulation des capitaux ». En d’autres termes, il n’existe pas d’espoir sérieux d’intégrer les économies européennes sans progression continue vers une monnaie commune. L’union européenne devra donc disposer, dans le domaine monétaire, d’un pouvoir de décision centralisé… L’objectif final devrait être que la monnaie constitue une compétence exclusive de l’union. La Commission ajoute : « À cette fin, l’union devra disposer d’une banque centrale propre ou d’un système commun de banques centrales, dont les fonctions seront de gérer la liquidité du système bancaire intérieur et la politique de change vers l’extérieur ». Selon la Commission, l’union devrait être dotée de pouvoirs accrus en matière de recherche de politique régionale et sociale. À cet égard « une union qui ne serait pas en mesure d’apporter sa contribution active au progrès social serait privée du soutien d’une partie importante de l’opinion publique européenne, en particulier des travailleurs ».
Si ces propositions peuvent soulever des discussions d’ordre technique, il en va autrement de celles qui concernent la politique étrangère et la défense, où les discussions seront d’ordre politique. Si elle considère que « l’inclusion progressive de la politique étrangère dans l’union est justifiée », la Commission n’en traite qu’avec prudence. Elle demande cependant que les compétences directes de l’union ne soient plus interprétées « restrictivement » comme c’est le cas aujourd’hui dans la Communauté, et elle souhaite qu’« on achève d’éliminer la séparation souvent artificielle entre les activités de la Communauté et celles de la coopération politique ». Après avoir constaté que « l’action des États-membres est plus efficace vis-à-vis des pays du Tiers-Monde quand ils agissent ensemble », elle déduit que « la politique de développement sera une des formes privilégiées d’actions intégrées de l’union ».
Le thème de la défense fait l’objet d’un chapitre particulier. La Commission constate que l’Alliance atlantique, si elle est utile et nécessaire, ne résout pas tout. « La sécurité de l’union, sa cohésion à long terme… ne pourraient être pleinement assurées si les problèmes de défense étaient purement et simplement laissés de côté ». Elle admet cependant que la mise en place d’une politique européenne de défense est une entreprise de longue haleine : c’est pourquoi elle suggère que la défense soit considérée comme une « compétence potentielle » de l’union, « sans pour autant attribuer, dès le commencement, à celle-ci des pouvoirs et des moyens d’action en ce domaine ». D’autre part, « indépendamment de la mise en vigueur du traité de l’union, un rapprochement des positions des États dans le domaine de la défense reste souhaitable et peut même faciliter la réalisation de l’union » (1).
Ce rapport de la Commission n’est pas une ébauche d’une constitution européenne, mais plus simplement la description des « caractéristiques essentielles que peut présenter un système institutionnel de l’union ». La Commission, après avoir constaté que « l’union européenne ne fera pas disparaître la nécessité du dialogue institutionnel qui a caractérisé la Communauté entre les instances chargées de l’intérêt commun et les instances qui représentent les intérêts nationaux », se prononce en faveur d’un « saut qualitatif important ». Comment serait organisée la fonction exécutive et législative de l’union européenne ? La Commission cite trois modèles possibles. L’organe gouvernemental de l’union pourrait être composé de ministres venant des gouvernements nationaux. On assisterait à une transformation de l’actuel Conseil des ministres de la Communauté, dont les fonctions ne comporteraient plus de volet législatif. Le pouvoir législatif serait exercé par un Parlement qui devrait être bicaméralisie. Ce modèle, qui signifierait « la disparition de la Commission en tant qu’institution politique indépendante » n’a pas les faveurs de celle-ci, car le gouvernement de l’union serait un organe intergouvememental mal armé pour « dégager une volonté politique communautaire avec la continuité et l’efficacité nécessaires ». Le deuxième modèle, auquel vont les sympathies de la Commission, a une coloration plus nettement supranationale et implique « un saut qualitatif très ambitieux en ce qui concerne le transfert des pouvoirs des États-membres vers les institutions de l’union ». La Commission souhaite un organe collégial composé de personnalités indépendantes des gouvernements nationaux. Ce gouvernement européen absorberait l’ensemble des fonctions exécutives de l’actuel Conseil des ministres et des pouvoirs détenus actuellement par la Commission. Quant au pouvoir législatif, un système bicaméralisie – Chambre des peuples et Chambre des États – serait indispensable. La Chambre des États émanerait des gouvernements nationaux tandis que la Chambre des peuples serait élue au suffrage direct. Le troisième modèle apparaît, en fait, comme une variation du précédent, destinée à faciliter la coopération et la coordination entre les gouvernements et le pouvoir européen. La structure des organes exécutif et législatif de l’union serait la même que dans le deuxième modèle, mais on y ajouterait un organe supplémentaire, un Comité des ministres où siégeraient les représentants des gouvernements.
Ce rapport de la Commission de Bruxelles va ainsi « très loin », puisqu’il reprend les propositions des maximalistes européens, ceux qui demandaient qu’un pouvoir européen soit chargé de certaines des fonctions essentielles des États nationaux. Son intérêt principal réside dans le fait qu’il aborde le problème dans son ensemble, et que, notamment, il ne laisse pas de côté la question des structures institutionnelles. Les gouvernements vont en délibérer, et il est probable que, tant au cours des prochaines réunions du Conseil des ministres de la Communauté qu’au cours des rencontres bilatérales ou multilatérales des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté, il en sera fortement question. Provoquera-t-il une « relance » européenne ? Ce n’est pas certain, mais ce n’est pas exclu.
Divergences de vues monétaires
Annoncée pour le 10 juillet, la rentrée du franc dans le « serpent » n’a pas effacé toutes les divergences entre Paris et ses partenaires. Actuellement, le pays à « monnaie faible » est seul tenu d’intervenir afin d’empêcher que l’écart de change à l’égard de la monnaie la plus appréciée du « serpent » ne dépasse pas le seuil fatidique de 2,25 %. Hostile à cette conception, la France a suggéré que l’on évite, autant que faire se peut, l’apparition d’écarts de 2,25 % entre les cours de deux monnaies, en demandant aux pays à monnaie forte de lutter contre une trop grande appréciation de leur monnaie, grâce à des « interventions préventives ». Les « Cinq » (Allemagne, Danemark, Belgique, Luxembourg et Pays-Bas) ont accepté cette suggestion, en précisant toutefois que cette nouvelle régie ne serait appliquée que de manière pragmatique, « au coup par coup ». La défense de l’accord de change européen contraint les pays à monnaie forte à intervenir sur leur propre marché pour le compte des pays à monnaie faible. Ces interventions donnent lieu, selon les règles actuelles, à des remboursements du pays à monnaie dépréciée au terme de trente jours fin de mois. Ce délai est jugé trop bref par la France, qui a demandé et obtenu sa prolongation. Les « Cinq » ont consenti à allonger de trois mois le crédit actuel. Ils ont cependant posé deux conditions : l’encours des crédits sera plafonné (en fonction des quotas des États-membres dans le mécanisme communautaire de soutien monétaire à court terme) ; un même État ne pourra pas être en permanence débiteur pendant plus de six mois. Par ailleurs, les « Cinq » ont accepté la proposition française d’exclure provisoirement l’or des règlements intracommunautaires. Enfin, l’accord de change européen mis au point lorsque les parités fixes étaient encore de rigueur ne prévoit aucune disposition commune à l’égard du dollar. Une telle situation est malsaine. À défaut d’obtenir la coopération des États-Unis, la France a demandé à ses partenaires de tenter de déterminer un niveau communautaire du dollar. Reconnaissant l’inconvénient constitué par les fluctuations journalières du dollar, les « Cinq » ne se sont toutefois pas estimés en mesure de fixer un niveau européen de la monnaie américaine.
Au total, les concessions des « Cinq » aux thèses françaises ont été prudentes, et assorties de conditions, M. Fourcade ne les a pas moins jugées satisfaisantes. Les vues à long terme de la France et de la plupart des pays du « serpent » demeurent cependant largement divergentes. M. Fourcade, soutenu dans une certaine mesure par la Commission, poursuit une démarche politique. Son objectif premier est de faire en sorte que tous les pays de la Communauté participent à un mécanisme de change qui demeure « la pièce essentielle » de la construction monétaire de la CEE. Les « Cinq », en revanche, mais surtout l’Allemagne et les Pays-Bas, se soucient avant tout d’efficacité. Ils ne veulent admettre dans leur club que les pays, communautaires ou non, offrant le maximum de garanties pour la poursuite d’une coopération monétaire dont ils veulent conserver l’exemplarité. Cette divergence de vues risque de rebondir dans un proche avenir. Il est en effet beaucoup question du franc suisse. M. Fourcade s’oppose à une association de la monnaie helvétique au « serpent » ; pour lui, l’entrée du franc suisse dans ce « serpent » ne doit pas compromettre un éventuel retour au bercail de la lire et de la livre. Allemands et Néerlandais, en revanche, ont du mal à dissimuler leur empressement d’associer le franc suisse à leur entreprise.
Tandis que se déroulaient ces discussions, M. Giscard d’Estaing a réclamé solennellement le retour aux parités fixes. « Il ne sera possible de mettre fin à l’atmosphère de crise qui affecte les relations économiques internationales que le jour où la communauté des pays industrialisés prendra clairement position en faveur du retour à un système de parité fixe des changes. Ce système devra comporter des dispositions pour les pays en difficulté et confirmer le rôle central joué par les droits de tirages spéciaux ». Trois raisons, au moins, guident le Président français : il n’y aura pas d’Europe (ou plus d’Europe) dans la pagaille monétaire, et même une Europe monétaire, « îlot de stabilité », serait en grand péril sans consensus international ; les pays pétroliers s’apprêtent à augmenter les prix du brut parce que la chute du dollar leur a fait perdre de l’argent. On voit poindre les contre-mesures américaines et les risques d’affrontement, et la seule solution réside dans la stabilisation du front monétaire. Il est anormal que les États-Unis et la Grande-Bretagne, en laissant « filer » leurs monnaies (qui ont perdu un quart au moins de leur valeur) se donnent des avantages commerciaux exorbitants, avantages que paient, en termes d’activité industrielle et d’emploi, les autres pays de la communauté internationale. Mais des parités fixes – c’est l’envers de la médaille – doivent être défendues, ce qui implique l’engagement des avoirs des banques centrales.
Candidature de la Grèce à la Communauté économique européenne (CEE)
Le 12 juin 1975, la Grèce a officiellement déposé sa demande d’adhésion à la CEE : l’ambassadeur grec auprès des Communautés, M. Stathatos, a remis une lettre à M. Dinnon, ambassadeur irlandais auprès des Communautés, qui assure la présidence du Conseil des ministres ; dans cette lettre, Athènes pose sa candidature au Marché commun. Cette démarche n’a pas surpris. M. Constantin Caramanlis et son équipe gouvernementale ont saisi toutes les occasions qui leur ont été offertes depuis leur retour au pouvoir pour proclamer leur vocation européenne. La Grèce, dixième membre de la Communauté, est-ce pour autant pour demain ? La première réponse viendra des Neuf eux-mêmes. Il est toutefois difficile d’imaginer qu’ils pourraient fermer la porte de la Communauté à la Grèce. Celle-ci réunit en effet aujourd’hui toutes les conditions requises : elle est « européenne », elle est dotée d’institutions reconnues démocratiques et elle a atteint un niveau de développement économique satisfaisant. Tout laisse donc à penser que la Communauté ouvrira des négociations d’adhésion avec le gouvernement hellénique. Mais ce sont précisément ces négociations qui risquent de retarder l’entrée effective de la Grèce dans le Marché commun. Les difficultés essentielles tiendront très probablement aux questions agricoles et aux questions financières qui en découlent et qui sont déjà une pomme de discorde entre les Neuf. L’adhésion de la Grèce au Marché commun posera en effet en termes encore plus aigus les problèmes difficiles des fruits et légumes et du vin auxquels sont confrontés les Neuf, et qui risquent d’apparaître aux yeux de certains pays, comme l’Allemagne, une source nouvelle d’augmentation du coût de la Politique agricole commune (PAC). Pour les partisans de l’adhésion de la Grèce, il reste toutefois que ces problèmes, pour être d’une tout autre nature, ne devraient pas s’avérer plus difficiles à surmonter que ceux qui se sont posés pour l’adhésion du Royaume-Uni. Mais une nouvelle question se pose : la Turquie ne va-t-elle pas imiter sa voisine ? ♦
(1) Cf. également sur ce sujet la Chronique Politique et Diplomatie de Jacques Vernant : « Paris, Bonn et les problèmes de la défense ».