Asie - Les déboires de Clinton en Asie
Si la dernière réunion de l’APEC (Coopération économique de l’Asie et du Pacifique), à Seattle, a pu donner l’impression d’un monde futur dont le centre serait le Pacifique avec, à travers lui, un flot d’échanges entre les États-Unis et l’Asie, la réalité est bien différente. Les principes et les promesses du candidat démocrate à la présidence l’ont amené à s’aliéner un grand nombre des gouvernements d’Asie. Affrontée aux réalités, notamment aux impératifs économiques, l’Administration américaine a été conduite à des accommodements qui ont, en plusieurs circonstances, fait figure de reculade.
Le président Clinton avait fait du respect des droits de l’homme l’un de ses principes fondamentaux pour les relations internationales. Le cas qui a le plus attiré l’attention a été celui de la Chine populaire. Influencé par l’opprobre qui a suivi les événements tragiques de la place Tian’anmen, le candidat Clinton avait été jusqu’à menacer de rétablir les relations diplomatiques avec la république de Chine (Taiwan). En plus des sanctions prises de concert avec l’Union européenne et d’autres pays démocratiques, les États-Unis ont fait jouer le statut de la nation la plus favorisée, renouvelé annuellement au printemps. En 1993, Clinton, contre l’avis du Congrès, avait suivi les traces de son prédécesseur en renouvelant ce statut, tout en subordonnant le prochain accord à une amélioration de la situation des droits de l’homme en RPC. En fait, les arrestations et les procès se sont poursuivis comme auparavant et, pire, lorsque le dialogue et les échanges de visites ont progressivement repris, les autorités de Pékin ne se sont pas gênées pour arrêter les dissidents qui avaient l’intention de contacter les visiteurs américains. Accordant d’énormes contrats à des firmes américaines comme Boeing, brandissant le spectre du chômage que provoquerait aux États-Unis un ralentissement important des échanges commerciaux, Pékin, renseigné par un fort groupe de pression économique, a pu attendre avec sérénité l’annonce, en mai 1994, que le renouvellement du statut de la nation la plus favorisée ne serait plus lié à la situation des droits de l’homme.
Non seulement la politique de Clinton n’a pas, à l’exception de la libération anticipée de quelques dissidents très en vue, conduit à l’accélération du processus de démocratisation en Chine, mais elle a irrité de nombreux gouvernements asiatiques. La Conférence mondiale des Nations unies sur les droits de l’homme, qui s’est tenue à Vienne en juin 1993, avait été précédée de forums régionaux. La « déclaration de Bangkok », résultat des réunions de réflexion en Asie, reflète largement l’aboutissement d’une intense activité diplomatique chinoise. Elle s’oppose aux ingérences dans les affaires intérieures des États sous prétexte de droits de l’homme et elle remet même en cause l’universalité de la Déclaration des droits de l’homme rédigée en son temps par des Occidentaux uniquement. Lee Kuan Yew, fondateur et toujours inspirateur du modèle singapourien, ainsi que le chef du gouvernement malaisien, Mohamed Mahathir, ont été parmi les plus actifs pour dénoncer l’utilisation des droits de l’homme dans les rapports entre les États et ramener cette question à une affaire intérieure. La Thaïlande et l’Indonésie ont soutenu cette position.
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