Lancé le 13 septembre 1996, en pleine période électorale pour la présidence des États-Unis et en fin de mandat d’un secrétaire général de l’Onu contesté, le projet américain de force africaine de réaction aux crises — African Crisis Response Force (ACRF) — a secoué la communauté euro-africaine, et singulièrement le monde francophone, qui débattaient laborieusement depuis deux ans de prévention des conflits et de maintien de la paix en Afrique. Non que le concept fût nouveau : l’idée d’un « corps de maintien de la paix en Afrique » était déjà contenue dans la charte de l’OUA de 1963. Depuis trente ans de multiples projets internationaux, régionaux ou sous-régionaux avaient été conçus, et parfois élaborés, mais s’étaient heurtés à la rivalité Est-Ouest, à la défiance Nord-Sud, aux relations bilatérales privilégiées ou simplement à l’inertie d’une OUA effrayée par l’ampleur et la complexité de la tâche.

Singulièrement absents politiquement jusqu’au début des années 90, les États-Unis ont manifesté un intérêt croissant pour l’Afrique depuis la fin de la guerre froide, le retour de la république d’Afrique du Sud dans le concert des nations démocratiques et la redécouverte des potentialités économiques et commerciales du continent noir. Cet intérêt, quoique limité encore, devait se traduire par des préoccupations de stabilité et de sécurité indispensables au développement économique et aux échanges commerciaux, au progrès social et à la démocratie politique, quitte à bousculer les modèles traditionnels qui semblaient inopérants devant la multiplicité et la gravité des crises de tous ordres affectant une Afrique qui secouait par ailleurs, de plus en plus vigoureusement, l’héritage de la colonisation.

Avec le projet ACRF, les États-Unis prétendent jeter les bases d’un système de sécurité collective pour l’Afrique, en concertation avec les pays concernés ou intéressés, à l’instar de ce qui a été fait pour l’Amérique latine ou pour l’Europe. Que contenait le concept initial d’ACRF ? Pourquoi et comment a-t-il évolué pour devenir l’ACRI — African Crisis Response Initiative — et où en est le projet aujourd’hui ?