Journaliste du quotidien Le Monde où il s’était occupé des problèmes de l’extrême droite, Bernard Brigouleix publia son premier livre sur L’extrême droite en France (Fayolle, 1977). Il a dû ensuite « couvrir » les problèmes allemands et européens. Ces années de travail ont donné naissance à un second essai, intelligent et pondéré, qui donne une image bienveillante des habitants de la République fédérale d’Allemagne (RFA), de leurs comportements et de leurs problèmes.

Piqué dans sa curiosité par ce peuple qu’il connaissait peu, Bernard Brigouleix est allé le voir vivre à l’occasion de ses nombreux voyages, non pas pour le juger, mais pour le comprendre. Ce ne sont pas les formules à l’emporte-pièce qui l’intéressent mais plutôt les éléments qui aident à saisir une réalité dans toute sa diversité. Il éprouve de la sympathie pour ce peuple allemand et ne partage par l’acharnement de certains de ses compatriotes qui veulent toujours « régler un compte » avec les Allemands. Il récuse les clichés les plus tenaces, même si ceux-ci ne sont pas toujours péjoratifs et injustifiés.

En 11 chapitres équilibrés, il montre que l’Allemagne fédérale n’échappe pas au poids d’un passé dont l’héritage reste particulièrement lourd. Après une brève présentation des éléments de base de la démocratie de Bonn, il se penche sur la vie des Allemands dont il relève quelques paradoxes : l’individualisme et le sens de la famille, la lourdeur du conformisme et la virulence de la contestation. Le chapitre sur la mort fait entrer en scène le terrorisme, la drogue, le pacifisme et le mal de vivre des jeunes. Bernard Brigouleix évoque les rapports complexes et contradictoires des Allemands avec le travail : il enquête sur le chômage, le travail au noir, le syndicalisme et les immigrés.

Le chapitre le plus réussi porte sur la fête en Allemagne (le vin, la bière, les réjouissances populaires, le carnaval) et les loisirs (le renouveau du cinéma, la lecture, le sport, les vacances au soleil). La vie dans la ville lui donne l’occasion de présenter les grandes cités et surtout Berlin, cette ville qui le fascine. Il ne néglige pas pour autant le complément indispensable de la ville, la campagne, avec ses belles forêts menacées par les pluies toxiques et son agriculture performante.

Bernard Brigouleix tourne également son regard vers l’autre Allemagne, la République démocratique, dont il n’apprécie pas le régime. Il observe avec intérêt l’évolution des relations inter-allemandes mais il ne partage pas certaines hantises françaises sur la réunification. Dans le chapitre sur la France, il traite de l’image parfois déconcertante de la France en Allemagne, il évoque les domaines de la coopération franco-allemande et l’origine des malentendus entre les 2 pays. Il termine en soulignant l’intérêt que les Allemands portent au reste du monde.

Sa conclusion : les Allemands ont réinventé en quelques années un savoir-vivre. Malgré les aspects terrifiants du nazisme, il convient de ne pas oublier que l’histoire allemande ne se réduit pas aux 12 années de malheur du IIIe Reich. Les Allemands sont « très différents de ce que l’on croit, de ce qu’ils ont pu laisser croire d’eux-mêmes durant 12 ou 13 ans. Et l’on gagnerait probablement à ne pas en refuser éternellement l’évidence ». Un livre à recommander pour ceux qui veulent découvrir l’Allemagne ou rafraîchir l’image qu’ils s’en font.