L'auteur a déjà fait publié dans la revue deux études consacrées à « l'Islam, réveil ou renouveau ? » (novembre et décembre 1979). Dans cet article, il traite du mouvement unitaire qui se développe dans l'Islam d'aujourd'hui et des structures panislamiques mises en place ces dernières années, un mouvement qui, s'il se poursuit, pourrait faire de la « Nation islamique » une réalité géopolitique du monde de demain.
La « Nation islamique » : utopie ou réalité géopolitique de demain ? - (I) De la division à la conférence panislamique
L’Islam, de nos jours, étonne l’Occident, scandalise parfois. Sa dynamique est partout sensible, en Asie et en Afrique. Nos moyens d’information relatent l’effervescence qui secoue le monde musulman : en Iran et en Afghanistan, bien sûr, mais aussi en Égypte, en Syrie, en Tunisie, au Sénégal où s’agitent des mouvements que nous qualifions d’« intégristes » ou de « fondamentalistes », de tendances variées, assez unis cependant dans un rejet de la culture euro-américaine. Au Caire, un « modéré », le Président Sadate fait décider, par le référendum du 22 mai 1980, que l’Islam redeviendra « la source principale » d’une législation civile encore marquée d’influences occidentales. En Algérie, l’édification du socialisme se fera « dans le cadre des valeurs nationales et islamiques » (nouvel article 7 des statuts du parti F.L.N. adoptés en juin 1980). Au Pakistan, l’on réislamise droit public, code pénal et régime fiscal. En Indonésie grandit l’opposition musulmane au régime Suharto accusé « d’hypocrisie et de corruption » (1).
Toutefois, l’attention est bien moins attirée sur un autre aspect du fait islamique contemporain. Dans sa tentative de se démarquer du XXe siècle laïque et matérialiste, devant les énormes problèmes économiques qu’affrontent les pays du tiers-monde musulman depuis une dizaine d’années, l’Islam retrouve les chemins de l’unité et de la solidarité pour reconstruire, à partir d’une communauté divisée, un « commonwealth » islamique dans le contexte contemporain. On peut s’interroger sur le sens d’une telle résurgence de la vieille idée panislamique mort-née à la fin du siècle dernier surtout quand deux pays musulmans se battent. Est-ce un phénomène de circonstance ou l’annonce d’une réalité géopolitique de demain ?
Une communauté divisée
L’Islam, on le sait, est tout à la fois religion, civilisation et communauté. L’« umma » est l’ensemble de ceux qui se « soumettent » à la loi de Dieu, sens même du mot « islam » en arabe. Dans une formulation universaliste, le message coranique transcende races, peuples, nations, régimes socio-politiques, frontières. C’est une vision du monde avec Dieu à la clef de voûte, mais centrée sur l’homme, assurant un équilibre entre l’individualisme libéral de type occidental et le collectivisme qui déshumanise l’individu au profit de l’État devenu une fin en soi. Idéologie d’une société soumise à la loi divine — la « chariâ » — l’Islam, par définition, est à vocation internationale.
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