S’il est un lieu onirique par essence c’est bien l’espace. Plus précisément, l’espace lointain et les découvertes scientifiques qu’il sous-tend entretiennent en chacun de nous cette part d’imaginaire, alimentée par une science-fiction des plus fertiles. Force est de constater que l’espace circumterrestre, bien plus proche de nous, est loin de susciter autant d’émotion. D’ailleurs, combien savent ce que l’espace leur apporte dans leur vie quotidienne ? Qui sait combien de fois par jour il utilise les moyens spatiaux qui orbitent autour de notre planète (localisation de nos smartphones, synchronisation des opérations boursières, météorologie, etc.) ? N’oublions pas que cela n’a pas toujours été le cas. Le début de l’ère spatiale, marqué par la compétition entre les deux grandes puissances qu’étaient les États-Unis et la Russie, a incarné ce rêve d’exploration de l’inconnu dès les années 1960. Le premier pas de l’homme sur la Lune en 1969 a été suivi par le monde entier alors qu’aujourd’hui les innovations et « premières réussites », telle que le retour sur la terre ferme du premier étage de la Falcon 9 de Space X en 2015, n’émeuvent que les initiés et les passionnés.

Et pourtant, les médias se font l’écho ces derniers mois d’annonces à répétition concernant le domaine spatial. De la déclaration par Donald Trump sur la création d’une Armée de l’espace, certes de manière anticipée et probablement très politisée, au discours en France du président de la République puis de la ministre des Armées (MinArm) en seulement quelques mois, ces signaux forts en sont une parfaite démonstration. Non seulement, l’espace est de retour sur le devant de la scène politique et médiatique, mais surtout la France amorce aujourd’hui un rattrapage stratégique. Si le besoin était prégnant depuis de nombreuses années, la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale (RSDSN) demandée par le président Emmanuel Macron en 2017 constitue le début de la réponse.

C’est dans ce contexte en mouvement que le président de la République a fait de l’espace, dans son discours du 13 juillet 2018, un enjeu de sécurité nationale et demande la définition d’une stratégie spatiale de défense. « Les incroyables potentialités que l’espace offre et la conflictualité qu’il suscite » ⁽¹⁾ ont ensuite été repris par Florence Parly, dans son discours au Centre national d’études spatiales (Cnes) du 7 septembre 2018 pendant lequel elle a évoqué un potentiel acte d’espionnage sur le satellite de communication à usage militaire Athena-Fidus. Constatant que nos voisins et alliés « changeaient en partie la nature de l’espace, pas grand-chose, pas assez en tout cas » ⁽²⁾ n’a été fait en France dans ce domaine. Cet article trouve son origine dans ces annonces, pour tenter d’expliquer pourquoi d’une position de pionnière aux premières heures de l’aventure spatiale, la France se retrouve aujourd’hui face à ce nécessaire sursaut dans le domaine spatial.