La revue a publié en janvier et février 1981 deux articles de l'auteur, ministre plénipotentiaire et ancien ambassadeur de France en Arabie Saoudite. Un sommet islamique, qui vient de se tenir à La Mecque et à Taef, donne un regain d'actualité à ces articles, et l'auteur, se trouvant alors en voyage en Arabie Saoudite, a vécu l'événement sur place. Il nous fait le compte rendu d'une réunion dont le thème central était « la reconstruction d'une nation islamique ». L'article ci-dessous complète donc utilement l'intéressante étude déjà publiée.
Après Taef 1981 : la Nation islamique ?
La réunion en Arabie Saoudite, au mois de janvier 1981, du troisième sommet islamique a donné de l’actualité à l’interrogation placée en tête des deux articles que la revue Défense Nationale a publié récemment : « La nation islamique, utopie ou réalité géopolitique de demain ? ». Le thème central des débats de ce sommet était en effet « la nation islamique ». Nous avions montré la genèse du mouvement unitaire dans l’Islam majoritaire sunnite, parallèlement aux manifestations d’un nationalisme musulman ombrageux et toujours en éveil dans l’Islam arabe. Puis nous avions analysé les structures interislamiques mises en place progressivement ces dix dernières années. Le « sommet islamique » est l’une d’entre elles, la formation la plus solennelle prévue par la Charte de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) adoptée à Djedda en 1972. Cette instance supérieure réunit les chefs d’État ou de gouvernement.
Il y a déjà eu onze réunions des ministres des Affaires étrangères des pays musulmans et de nombreuses rencontres des responsables de départements techniques (Finances, Industrie, Commerce, Tourisme, Télécommunications) ou sociaux (Santé, Éducation, Jeunesse). Mais deux sommets seulement se sont tenus, l’un à Rabat du 22 au 25 septembre 1969, après l’incendie à Jérusalem de la mosquée Al Aqça qui avait sensibilisé le monde musulman, et qui a posé les bases de la conférence islamique ; le second eut lieu à Lahore, au Pakistan, en 1974. L’Islam pétrolier commençait à accumuler les pétrodollars. On lança alors l’idée de coopération économique entre les riches producteurs de pétrole arabes et le reste du tiers monde islamique, moins bien pourvu.
À l’aube du XVe siècle de l’hégire, le choix de l’Arabie Saoudite, berceau de l’Islam, comme pays hôte du troisième sommet est évidemment symbolique. C’est donc à La Mecque que fut inauguré le troisième grand rassemblement de la nation islamique. Les dirigeants actuels étaient au rendez-vous. Quatre absences cependant : l’Égypte, « suspendue » depuis le traité de paix avec Israël en 1979, l’Afghanistan soviétisé, écarté en 1980 de l’OCI, la Libye en état de rupture diplomatique avec Ryadh, l’Iran enfin qui opta finalement pour l’abstention afin de ne pas côtoyer l’ennemi du moment, l’Irak. Parmi les observateurs, le Nigeria (bientôt membre de l’OCI, dit-on, avec 62 millions de musulmans), la communauté turque de Chypre et… une personnalité chrétienne, Mgr Hokim, patriarche de l’Église grecque orthodoxe ; autre chrétien présent : le président du Liban, M. Sarkis. M. Kurt Waldheim, qui intervint à la première séance de travail à Taef, manifesta l’intérêt des Nations Unies pour ce sommet.
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