La mer Noire avait « disparu » des préoccupations occidentales depuis la fin de la guerre froide. Avec la guerre en Ukraine, cette mer quasi fermée est redevenue un espace de confrontation avec la Russie. Pour l’Union européenne (UE), c’est aussi un enjeu de sécurité avec des États-membres riverains, qui ont besoin d’un soutien plus conséquent de la part de leurs partenaires européens et américains, même si l’attitude de Washington est devenue imprévisible.
La « redécouverte » de la mer Noire, entre coopération et confrontation
The Black Sea Rediscovered: Cooperation and Confrontation
The Black Sea had virtually disappeared from Western preoccupations after the end of the Cold War, yet with the war in Ukraine this almost landlocked sea has again become an area of confrontation with Russia. It also represents a security risk for European Union (EU) member countries on its shores, who need greater support from their European and American partners despite Washington’s now unpredictable attitude.
Depuis la fin de la guerre froide, la mer Noire avait très largement disparu de la première page des agendas des chancelleries occidentales, où elle était essentiellement vue comme un espace périphérique instable. La décennie 1990 voit ainsi la région élargie être le témoin de nombreux conflits armés, de la Tchétchénie au Karabagh en passant par la Géorgie et la Moldavie jusqu’aux Balkans. Si l’Union européenne définit en 2007 une stratégie intitulée Synergie de la mer Noire (1), suite à l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, celle-ci se borne à promouvoir la coopération économique entre États riverains, dont les perspectives d’adhésions à l’UE s’enlisent les unes après les autres, faute de volonté politique : Turquie, Géorgie, Moldavie, Ukraine.
L’annexion dramatique de la Crimée en 2014, puis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en 2022 ont ramené la mer Noire à ce qu’elle est réellement : une ligne de démarcation géostratégique et de tension entre la Russie et l’Occident. Cependant, loin d’être uniquement une zone de confrontation, elle constitue aussi un corridor économique vital, à la fois Nord-Sud et Est-Ouest, par lequel transite par exemple 30 % de toute la production mondiale de blé, et dont l’importance augmente avec la coupure des liens économiques entre l’UE et la Russie.
Un corridor économique en pleine expansion
C’est par la région de la mer Noire que transite le Southern Gas Corridor, permettant au gaz venu d’Azerbaïdjan et d’Asie centrale de remplacer en partie la fermeture des pipelines entre la Russie et l’UE, Bakou fournissant désormais environ 7 % de tout le gaz importé via gazoduc par l’UE (2). Cette importance énergétique ne fera que croître avec le projet Black Sea Energy, qui vise à raccorder électriquement les rives orientales et occidentales de la mer Noire pour permettre à l’UE de bénéficier de la future production d’énergie renouvelable par l’Azerbaïdjan, via la Géorgie. C’est aussi par la mer Noire que passe le Middle Corridor, nouvelle route de la soie multimodale reliant la Chine à l’Europe et permettant de contourner la Russie.
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