Face à des difficultés techniques pour sa dissuasion nucléaire, la Grande-Bretagne mit à disposition des États-Unis la base de Diego Garcia dans les îles Chagos, au détriment de la souveraineté de Maurice. Ce troc avantageux a marqué la coopération anglo-américaine dans les années 1970-1980. Par un récent accord, Maurice va récupérer les îles Chagos, tout en maintenant la base militaire au profit des Américains.
Une île et des missiles - L’affaire des Chagos et les débats sur la coopération nucléaire anglo-américaine dans les années 1970-1980
Of an Island and Missiles - the Chagos Affair and the Debates on Anglo-American Nuclear Cooperation 1970-1980
When facing technical difficulties with its nuclear deterrent, the United Kingdom offered the United States the use of the base on Diego Garcia in the Chagos Islands, at the cost of Mauritian sovereignty. This highly advantageous exchange was significant to Anglo-American cooperation in the decade 1970-1980. Through a recent agreement, Mauritius will recover the Chagos Islands, whilst the military base will be retained for US use.
L’accord du 3 octobre 2024 entre Londres et Port-Louis par lequel Londres s’engage vis-à-vis de l’île Maurice à mettre fin au statut spécial des îles Chagos dans l’océan Indien, tout en préservant pour 99 ans la base américaine de Diego Garcia, est passé largement inaperçu de la presse, en dehors de la Grande-Bretagne et de quelques publications spécialisées. Il marque pourtant une étape juridique et politique importante à plusieurs titres :
– s’agissant du rôle et de l’influence de la Cour internationale de Justice (CIJ), pourtant considérée comme affaiblie aujourd’hui ;
– de la fin de la traditionnelle présence britannique « au-delà de Suez », déjà mise à mal après la malencontreuse expédition franco-britannique de 1956 ;
– et de l’aboutissement d’une transaction nucléaire secrète anglo-américaine sur la fourniture de missiles nucléaires pour les sous-marins britanniques dans les années 1980, sur laquelle des câbles déclassifiés apportent la lumière.
Celle-ci consista pour Londres, dans les années 1970 et 1980, à obtenir, de la part de Washington des missiles américains Trident I et II portant des têtes nucléaires, missiles utilisés pour leur propre dissuasion nucléaire. Ayant des difficultés à mettre au point dans leurs laboratoires d’Aldermaston (Berkshire) une ogive mirvée britannique (dénommée Super Antelope puis Chevaline) susceptible de percer les défenses antimissiles balistiques (ABM) soviétiques, Londres se tourna vers Washington (1) en proposant, en contrepartie de missiles américains sur sous-marins nucléaires plus performants et d’un rabais financier, l’octroi, « sans contraintes », de l’usage de la base stratégique de Diego Garcia dans l’océan Indien aux îles Chagos. L’échange fut l’objet de négociations secrètes entre Londres et Washington mais déboucha, s’agissant de la base de Diego Garcia cédée par les Britanniques aux Américains, de nombre de difficultés juridiques et politiques.
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