La lutte pour l’innovation est un enjeu permanent notamment pour les sociétés travaillant sur le numérique. Celles-ci doivent aller vite avec des organisations efficaces et du personnel performant. La prise en compte de l’Intelligence artificielle (IA) devient un impératif majeur d’autant plus que les compétiteurs recherchent eux aussi à prendre l’ascendant, y compris par l’affrontement.
La lutte pour l’innovation militaire à l’âge des sociétés numériques
The Battle for Military Innovation in the Age of IT Businesses
The innovation battle poses a permanent challenge, for businesses operating in the IT field in particular: they have to adapt quickly, and have efficient organisations and high-quality personnel. It is now vital to take artificial intelligence (AI) into account, given that their competitors are also trying to keep a step ahead—through confrontation if necessary.
Les vulnérabilités stratégiques suivent le cours des révolutions technologiques à travers l’histoire. Au XXe siècle, nœuds ferroviaires et dépôts pétroliers sont des cibles stratégiques. Aujourd’hui, une cyberattaque majeure sur les réseaux peut constituer un acte de guerre. Les techniques civiles de production transforment les capacités militaires elles-mêmes : l’usine Willow Run (Michigan) de Ford produit en 1944 un bombardier B-24 Liberator toutes les 63 minutes grâce au travail à la chaîne né dans l’automobile (1). Or, l’innovation domine désormais notre système productif. Les entreprises innovantes surpassent leurs concurrents de 22 % en Bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements (EBITDA) (2), tandis que des géants comme 3M exigent désormais qu’un tiers de leurs revenus provienne de produits récents (3). Mieux encore : l’Intelligence artificielle (IA) générative, à peine introduite, augmente la productivité de 25 % (4). Cette métamorphose de la production civile va redéfinir inexorablement la manière de faire la guerre.
En effet, de nouveaux chocs arrivent. Il faut anticiper les nouvelles vulnérabilités – ce que les grandes puissances occidentales ont commencé sur la cyber-sécurité mais ont échoué à faire sur la guerre cognitive dans les réseaux numériques. De nouveaux centres de gravité de notre système productif pourraient apparaître comme les jumeaux numériques ou les tuteurs artificiels. Il faut aussi envisager la rupture dans l’emploi militaire des technologies. Comme hier la Blitzkrieg face à la ligne Maginot, une fortification très sophistiquée pour l’époque, c’est non pas la technologie en tant que telle, mais bien l’emploi de celle-ci qui primera dans la guerre dronisée ou simulée de demain. Enfin, ultime choc, la vitesse d’innovation elle-même départage désormais « les vifs et les morts ». De la course à l’armée nucléaire pendant la Seconde Guerre mondiale à celle des drones aujourd’hui en Ukraine, la victoire appartient aux plus rapides. C’est-à-dire, à ceux qui ont la meilleure méthode pour organiser cette innovation. Cette question de l’organisation avait été au cœur de la politique d’accélération cyber en Israël au début des années 2010, telle que formulée par le Professeur Ben Israel : il est inutile d’essayer d’anticiper la forme de la menace. L’innovation la transforme constamment. Pas de politique « industrielle » focalisée sur telle ou telle technologie, mais plutôt bâtir l’écosystème résilient qui trouvera le plus rapidement possible les solutions (5). Il faut donc bien s’organiser.
Innover au sein de l’organisation militaire
Cela nécessite d’imposer la primauté de l’innovation comme axe de développement militaire. L’exemple israélien est ici à nouveau emblématique et presque caricatural, avec la doctrine stratégique du pays écrite en 1953 par le Premier ministre David Ben Gourion, qui met en avant la nécessité de l’avantage qualitatif et de la supériorité technologique (6). Cette vision de la primauté technologique s’exprime aussi dans la rivalité Est-Ouest qui voit par exemple aux États-Unis la création de la DARPA (nommée à l’époque ARPA), agence dédiée au développement technologique militaire l’année suivant le lancement soviétique de Spoutnik, premier satellite dans l’Espace. Cette primauté doit aussi se lire dans les liens de rattachement, plus même que dans les budgets. Lorsque le Pentagone crée le DIUx en 2015-2016, l’unité d’innovation expérimentale dans la défense de juste 30 personnes au cœur de la Silicon Valley, celle-ci finit par être rattachée directement au secrétaire à la Défense (7). En Israël, le directeur du MAFAT, l’équivalent du DARPA, a rang de brigadier-général et se trouve rattaché directement au Chef d’état-major des armées, à l’exact même niveau que le chef des armées de terre ou de l’air (8). Cela montre dans les faits l’importance réelle dédiée au sujet. C’est aussi un signal clair envoyé au reste de l’organisation.
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