La puissance stratégique est indispensable pour conserver une influence dans un monde en pleine mutation géopolitique. La nécessité d’investir dans les ruptures technologiques de demain s’impose et la Direction générale de l’armement (DGA) développe son action pour répondre à l’ambition d’une souveraineté augmentée pour la France et l’Europe. Il faut savoir anticiper ces transformations.
Vers une souveraineté augmentée : entrer dans l’ère de la puissance stratégique
Enhancing Sovereignty: Entering the Era of Strategic Power
Strategic power is essential for preserving influence in a world undergoing considerable geopolitical change. There is a need to invest in the technological developments of the future, and the Directorate-general of armament (Direction générale de l’armement—DGA) is developing its activities in order to respond to the ambition for enhanced sovereignty for France and for Europe. We must be able to anticipate the transformations to come.
À l’heure où les équilibres géopolitiques vacillent et où l’insouciance stratégique n’est plus de mise, la notion de souveraineté connaît un profond regain. Longtemps perçue comme un pilier intangible de l’ordre westphalien, elle se trouve aujourd’hui interrogée, mais aussi réaffirmée dans les champs économiques, technologiques, sanitaires ou informationnels – avec notamment en France le renforcement d’une dissuasion nucléaire indépendante, l’amélioration de la résilience cyber et l’affirmation du pouvoir décisionnel dans tous les champs de conflictualité, y compris celui de l’information. Du retour des guerres de haute intensité à la recomposition des alliances stratégiques, en passant par la montée des régimes d’exception et la redéfinition des dépendances industrielles, les États réinvestissent le vocabulaire de l’indépendance nationale avec une acuité inédite où la notion de souveraineté dépasse largement le strict sujet militaire et s’étend aux vastes domaines de la dualité.
Aux États-Unis, la National Science Foundation (1) et le CHIPS (Creating Helpful Incentives to Produce Semiconductors) and Science Act sont ainsi mobilisés pour réorienter massivement les investissements vers les semi-conducteurs et les technologies critiques, dans une logique d’indépendance industrielle face à la Chine. En Corée du Sud, le gouvernement a mis en place un plan décennal visant à faire du pays un leader mondial des biotechnologies, en associant recherche publique, acteurs industriels et start-up de la deep tech. En Allemagne, l’Agence fédérale pour les innovations de rupture (SPRIN-D) s’est donné pour mission de soutenir des projets à haut risque scientifique, mais à fort potentiel économique et sociétal, dans des domaines comme l’énergie ou la santé. Partout, les États s’efforcent d’identifier en amont les futurs points de bascule technologique et de mettre en place les outils institutionnels capables de les transformer en leviers de puissance durable. En France, la Direction générale de l’armement (DGA) joue un rôle de premier plan dans cette posture de puissance, non seulement par sa vocation qui est de forger nos armes, mais aussi par sa capacité à détecter les mutations technologiques et à structurer une réflexion stratégique sur les besoins de défense à long terme, notamment par son programme d’anticipation stratégique RADAR (2).
En toile de fond de ces différentes initiatives, une interrogation persiste : comment conjuguer autonomie et interdépendance dans un monde désormais structuré par la rivalité des puissances, irrémédiablement interconnecté, où l’accélération technologique renforce l’intrication globale (3) et où la souveraineté consiste parfois à accepter certaines dépendances ?
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