Les alliances constituent des outils essentiels pour la défense des États. Leur fragilité et leur crédibilité sont des critères importants qui peuvent être remis en cause par les membres en fonction des intérêts nationaux. La structure et la hiérarchie des autorités déterminent également le type de fonctionnement des alliances.
Fiabilité et crédibilité des alliances
Reliability and Credibility of Alliances
Alliances are essential tools for the defence of states. Their fragile nature and their credibility are important criteria which risk being questioned by members as national interests change. The structures and hierarchies of the authorities concerned also determine the manner in which alliances function.
Dans un système international marqué par l’incertitude et la compétition stratégique, les alliances constituent des instruments essentiels de la politique de défense et de sécurité des États. Historiquement, elles ont permis aux Nations de renforcer leur capacité de dissuasion, d’améliorer leur coordination militaire et de structurer l’ordre international. Toutefois, la valeur d’une alliance ne repose pas sur sa simple existence, mais sur deux notions fondamentales : sa crédibilité, qui influence son rôle dissuasif, et sa fiabilité, qui détermine sa capacité à fonctionner en temps de crise. Cet article explore ces concepts en s’appuyant sur une analyse des mécanismes institutionnels qui sous-tendent la crédibilité des alliances, des dilemmes qu’elles génèrent et des dynamiques politiques qui influencent leur stabilité. Il s’attache ainsi à décrypter les conditions dans lesquelles les alliances demeurent des outils viables de sécurité collective, fournissant un guide pour penser les alliances contemporaines.
Définition et fonction stratégique des alliances
Une alliance peut être définie comme « une association formelle ou informelle d’États pour (la menace de) l’utilisation de la force militaire, dans des circons tances spécifiques, contre des acteurs extérieurs à l’alliance » (Rynning et Schmitt, 2018, p. 654). Une alliance se caractérise donc par la garantie de sécurité mutuelle, souvent sous la forme d’une clause de défense mutuelle, que les alliés s’accordent mutuellement. L’alliance est tournée vers l’extérieur, vers un adversaire dont il faut se protéger. Elle se distingue ainsi d’autres formes de coopération en matière de sécurité et de défense, notamment des organisations de sécurité collective, telles que l’Organisation des Nations unies (ONU) ou l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui visent à gérer les différends entre leurs membres et sont donc tournées vers l’intérieur. De même, d’autres formes de coopération militaire, comme les transferts d’armes ou les exercices militaires multi nationaux, jouent un rôle important dans la structuration des relations internationales (notamment en signalant une convergence ou une divergence d’intérêts), mais elles ne constituent pas des alliances si elles ne s’accompagnent pas de garanties de sécurité mutuelles. Enfin, les coalitions militaires, par exemple celle mise en place lors de la guerre du Golfe de 1990-1991, sont temporaires et ad hoc, alors que les alliances sont censées avoir une durée de vie plus longue (Lanoszka, 2022).
Les alliances ont donc une multiplicité de fonctions : elles constituent un mécanisme d’agrégation des capacités (Walt, 1987) ; elles améliorent la capacité des États à se coordonner et à planifier des opérations militaires (Schmitt, 2018) ; elles formalisent et promulguent des hiérarchies dans le système international (Lake, 2009) ; et elles dissuadent l’agression. Le mécanisme de base est facile à comprendre : une alliance devrait rendre les coûts attendus de la guerre plus élevés pour un challengeur potentiel qui aurait la perspective de combattre non seulement un État, mais aussi ses alliés. James D. Fearon (1995), professeur de science politique à Standford, a fait valoir qu’il y avait trois raisons principales pour lesquelles les États ne pouvaient pas négocier, ce qui conduisait à des conflits armés : le problème de l’indivisibilité (les questions sur lesquelles les parties sont en conflit ne peuvent pas être facilement divisées), le problème de l’engagement (manque de confiance entre les parties pour respecter un accord) et le problème de l’information (lorsque les parties ne sont pas d’accord sur l’issue probable d’une guerre parce qu’elles ont des informations imparfaites sur les capacités, les compétences et la détermination de l’autre partie). Les alliances peuvent réduire le problème de l’information en aidant les parties à adopter une vision commune de l’issue probable du conflit : si une alliance est perçue comme solide et crédible, elle contribue à signaler des informations sur les capacités militaires, ce qui favorise la conclusion d’un accord. Ainsi, le mécanisme par lequel les alliances renforcent la dissuasion et la stabilité internationale est lorsqu’elles sont perçues comme crédibles.
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