Chaque mois qui passe voit depuis plusieurs années l’accélération de la désorganisation du monde. Retour de la guerre, qu’elle soit de haute intensité et hybride comme en Ukraine, ou dirigée contre des groupes terroristes mêlés à la population civile comme aux Proche et Moyen-Orient. Retour de la compétition stratégique où le rapport de force est devenu la norme de régulation et où la loi du plus fort l’emporte désormais sur le droit international. Depuis au moins le 24 février 2022, la Russie apparaissait clairement comme une puissance agresseuse et révisionniste, plus ou moins soutenue par ses partenaires refusant un ordre occidental. Voilà que cette décomposition de l’échiquier international est accélérée dorénavant par l’administration Trump II dont l’imprévisibilité et l’avidité du résultat à court terme avec des « deals » savamment mis en scène remettent à plat les pratiques confortables au sein du lien transatlantique.

C’est bien l’objectif de cette douzième édition de la Chaire des Grands enjeux stratégiques contemporains que d’éclairer cette transformation des alliances militaires, à commencer par l’Otan largement mise à mal depuis le discours du vice-président américain J.D. Vance lors de la Conférence de Munich sur la sécurité (MSC) de février dernier. La thématique, choisie l’année dernière, ne pouvait pas se révéler plus adéquate avec l’évolution accélérée et incontrôlée de l’état du monde.

De fait, au fil des textes réunis dans ce dossier, le constat est sévère avec notamment les interrogations autour de l’avenir de l’Otan, l’alliance militaire la plus aboutie depuis près de 80 ans, mais en même temps oblige au réveil des Européens, trop longtemps habitués à la confortable délégation de leur sécurité à la puissance américaine. Il y a désormais urgence à réagir et à agir, d’autant plus que les défis ne cessent de croître : menace russe accrue, bascule du monde vers l’Indo-Pacifique, changement climatique et migrations… la liste est longue. Le décryptage apporté ici par la Chaire démontre le besoin d’un tel forum de réflexions et d’échanges, permettant ainsi une meilleure sensibilisation, non seulement des décideurs mais aussi des citoyens sur cette mutation profonde et irréversible de notre monde.

Face aux transformations de nos alliances, que ce soit avec l’Otan, l’Union européenne ou nos partenariats, la France doit poursuivre la transformation de notre outil de défense en préparant non pas le conflit d’hier mais celui de demain. Cela exige effort et lucidité pour entrer dans l’ère de la puissance stratégique en renouvelant notre conception, avec nos partenaires européens, de la souveraineté. ♦