L’Aide publique au développement (APD) a été longtemps pensée comme une politique de redistribution du Nord vers le Sud. Cependant, l’émergence de certains pays du continent africain et la désindustrialisation des pays occidentaux ont profondément modifié les pratiques autour des APD. Il est nécessaire de revoir les flux d’APD pour susciter une réelle satisfaction mutuelle.
L’Afrique peut-elle se passer d’aide publique au développement ?
Can Africa do Without Official Development Assistance?
Official Development Assistance (ODA) has long been considered a policy of redistribution from the north to the south, and yet the emergence of some African countries and the de-industrialisation of western countries have profoundly modified ODA practices. There is a need to review where ODA is directed in order to create genuine mutual satisfaction.
La fermeture de la United States Agency for International Development (USAID) a été un séisme pour le monde de l’aide au développement. Bien que cette situation pèse déjà lourdement sur les récipiendaires de l’aide américaine, notamment l’Ukraine et le continent africain, de nombreuses réactions d’intellectuels du continent ont été positives, louant une « opportunité pour l’autonomie africaine » (1) et la sortie de « cette dictature exotique de la pitié » (2). Ces débats dénonçant la dépendance à l’Aide publique au développement (APD) font écho à d’autres discours critiques, portant sur l’efficacité, les montants ou les conditionnalités de l’aide. Combinés, ces discours favorisent une remise en cause globale de l’APD, qui toucherait particulièrement les pays les plus pauvres et dépendants, pour la plupart situés sur le continent africain. Cet article se propose de revenir d’abord sur ce que représente vraiment l’aide au développement pour les pays africains, puis de voir en quoi l’APD est menacée par les évolutions géopolitiques récentes et, enfin, de réfléchir aux évolutions possibles des différentes composantes de l’aide pour l’Afrique dans les années à venir.
Un continent où la pauvreté persiste malgré une aide longtemps abondante
L’aide au développement a longtemps été pensée comme une politique redistributrice entre un monde industrialisé riche, au Nord, et un Sud pauvre, en développement. L’essor des grands pays émergents et la désindustrialisation des pays occidentaux à l’œuvre ces dernières années a eu raison de cette vision du monde en deux blocs. L’extrême pauvreté, mesurée par le nombre de personnes vivant avec moins de 1,90 dollar américain (USD) par jour, a fortement reculé dans le monde entier au profit d’une classe moyenne mondiale et les inégalités se sont développées au sein même des pays du Nord et du Sud, rendant caduque l’opposition Nord-Sud.
La pauvreté n’a cependant pas reculé de manière uniforme sur l’ensemble du globe, et se concentre aujourd’hui sur le continent africain et quelques pays du Moyen-Orient. Ainsi, en 1971, 14 des 26 Pays les moins avancés (PMA) étaient situés en Afrique ; en 2017, ce sont 33 des 45 PMA recensés qui y sont situés. En outre, alors que l’extrême pauvreté est passée dans le monde de 36 % en 1990 à 8,6 % en 2018, ce taux n’a diminué dans le même temps que de 14 points au sud du Sahara, pour s’établir à 40 % en 2018. « En 2019, sur les 700 millions de personnes vivant dans l’extrême pauvreté, 60 % se trouvent en Afrique subsaharienne Près d’un tiers des personnes en situation d’extrême pauvreté vivent dans deux pays – la République démocratique du Congo (RDC) et le Nigeria – et le second tiers compte six pays subsahariens : l’Éthiopie, le Kenya, Madagascar, le Mozambique, la Tanzanie et l’Ouganda » (3).
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