Voyage d’État du Président Emmanuel Macron au Royaume-Uni
À l’occasion de la visite d’État du 8 au 10 juillet 2025, il importe de rappeler ici le début de l’Entente cordiale (même si elle date du 8 avril 1904) avec la première visite d’un souverain britannique sur le sol français dans un cadre de paix et de diplomatie. La dernière rencontre amicale datait de 1520 au Camp du Drap d’Or entre Henri VIII et François Ier.
C’est ainsi que la reine Victoria, accompagnée de son époux, le prince Albert, fut reçue le 2 septembre 1843 au Tréport par le roi des Français, Louis-Philippe, avant de séjourner au Château d’Eu à deux reprises. Ce premier voyage en France fut le premier d’une longue série, la reine revenant régulièrement, tant sous le Second Empire et Napoléon III que sous la IIIe République avec notamment de longs séjours l’hiver à Nice, profitant du climat agréable de la Méditerranée.
Eugène Lami, Réception en l'honneur de la reine Victoria dans le salon des rois au château d'Eu, le 3 septembre 1843, huile sur toile, 1845, musée national du château de Versailles, © RMN - Grand Palais (Château de Versailles) / Franck Raux
Sous la Ve République, les voyages d’État se caractérisent par la permanence de la présence de la reine Elizabeth II qui a connu tous les présidents de la République. De ce fait, la reine a forcément monopolisé l’attention médiatique. Il faut cependant rappeler le voyage d’État que le général de Gaulle effectua en 1960.
Charles de Gaulle, président de la République, à Londres aux côtés de la reine Elizabeth II en 1960 (© Fondation Charles de Gaulle)
Pour la première fois depuis la guerre, il revenait à Londres d’où il avait lancé son appel du 18 juin. Cette visite avait un caractère historique et le Général pouvait, d’une certaine façon, savourer le parcours effectué depuis son arrivée le 17 juin dans le chaos le plus complet. Ses retrouvailles avec Winston Churchill, alors âgé de 86 ans, était riche d’émotions et de souvenirs partagés.
Valéry Giscard d’Estaing vint à Londres en 1976, le Royaume-Uni ayant rejoint la Communauté économique européenne (CEE) le 1er janvier 1973. En 1984, c’est le Président Mitterrand qui vint à Londres. Son anglophilie est une réalité puisque dès septembre 1981, lors d’un sommet franco-britannique, celui-ci propose de lancer le lien transmanche. Il inaugura 10 ans après, en 1994 avec la Elizabeth II, le tunnel sous la Manche. En 1996, Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy en 2008 eurent droit à ce privilège de la visite d’État.
Le roi Charles III est un familier de la France avec plus d’une quarantaine de séjours, longtemps comme prince de Galles et comme roi en septembre 2023 avec un dîner de gala à Versailles. La réciprocité du voyage de cette semaine s’inscrit à la fois dans le protocole et dans une dynamique politique très subtile. C’est ainsi qu’il s’agit de la première visite d’État du règne de Charles III et que c’est la France qui est honorée, alors même que la visite d’État proposée à Donald Trump n’aura lieu que cet automne.
Très clairement, après les tensions liées au Brexit et aux personnalités controversées que furent les Premiers ministres Boris Johnson puis Liz Truss, le Royaume-Uni retrouve les « contraintes » de la géographie et donc un certain chemin vers l’Europe qui reste indispensable pour l’économie britannique, même si la « relation spéciale » avec les États-Unis est régulièrement rappelée par la classe politique, notamment les conservateurs. Toutefois, le réalisme géostratégique impose à Londres de faire preuve de pragmatisme et de réalisme. C’est ainsi que la guerre en Ukraine et le soutien affirmé à Kyiv donnent à Londres un rôle essentiel suivi en cela par Paris. Les atermoiements de la nouvelle administration Trump n’ont pu que conforter ce binôme, puissances nucléaires et membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu. Cette responsabilité partagée oblige Paris et Londres à travailler ensemble et à élargir leur champ de coopération dans le domaine de la défense. Un enjeu important au menu des discussions de cette visite d’État. Une Entente cordiale renouvelée et consolidée. ♦
Publié le 09 juillet 2025
Jérôme Pellistrandi