Indépendant depuis 2011, le Soudan du Sud a un écosystème informationnel très fragmenté avec un mélange de médias traditionnels, de réseaux oraux et de nouvelles plateformes du numérique. Dans un contexte autoritaire mais non totalitaire, un effort de réformes est indispensable pour renforcer une démocratie toujours fragile dans une région où les conflits sont présents.
Contrôle médiatique et désordre informationnel au Soudan du Sud : facteurs d’instabilité
Control of the Media and Information Chaos in South Sudan: Factors of Instability
South Sudan has been independent since 2011. Its informational infrastructure is highly fragmented, with a mix of traditional media, bush telegraph and new, digital IT platforms. Though the regime is not totalitarian, its authoritarian nature means that essential effort needs to be expended on strengthening a still shaky democracy in a region that suffers from ever-present conflicts.
L’écosystème informationnel du Soudan du Sud se caractérise par une fragmentation profonde, où médias traditionnels, réseaux oraux et plateformes numériques coexistent dans un environnement marqué par des contraintes politiques et infrastructurelles considérables. Dans ce pays post -conflit, l’information constitue un enjeu stratégique majeur, tant pour la consolidation de la paix que pour l’émergence d’une gouvernance démocratique (1). Cet article analyse les dynamiques complexes qui structurent la circulation de l’information au Soudan du Sud, en examinant d’abord l’état des médias formels, soumis à un contrôle étatique étroit et confrontés à des défis économiques persistants. Il explore ensuite le rôle fondamental des réseaux oraux traditionnels, qui demeurent le principal vecteur d’information dans de nombreuses régions, avant d’aborder la transition numérique en cours et ses effets ambivalents sur l’espace public. Enfin, l’analyse se concentre sur les conséquences politiques et sécuritaires de la désinformation dans ce contexte fragile, où rumeurs et fausses informations peuvent rapidement compromettre les efforts de stabilisation et exacerber les tensions intercommunautaires.
Contexte politique et modèle de propagande gouvernementale
Le Soudan du Sud est devenu indépendant en 2011 après une guerre civile de près de 50 ans, interrompue par quelques accalmies. À partir du milieu des années 1980, l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) a mené cette lutte en créant une branche politique dès le début de sa campagne : le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM). Cependant, dès sa création, il peine à forger une identité politique cohérente capable de dépasser les divisions ethno-politiques. Cette difficulté s’explique par la persistance de divisions internes et une forte dépendance à l’égard de groupes d’autodéfense communautaires, dont beaucoup étaient organisés selon des critères ethniques. La diversité linguistique et les clivages régionaux ont également compliqué les efforts visant à instaurer l’unité.
Ces divisions ne se sont pas dissipées après l’indépendance. Elles ont au contraire perduré, voire se sont accentuées, à mesure que le SPLM tentait de se structurer en parti politique. Cette difficulté s’inscrit dans une tendance plus large observée chez les mouvements de libération, souvent prisonniers des récits et de la légitimité issus de leur lutte armée, tout en résistant à l’émergence d’un paysage politique réellement pluraliste. Le SPLM a fini par incarner à lui seul l’ensemble de la scène politique. Ses divisions internes – réminiscences des rivalités des années 1990 qui opposaient diverses coalitions ethno-politiques – se sont intensifiées de manière dramatique en décembre 2013, déclenchant une nouvelle guerre civile. Ce conflit a renforcé et exacerbé les tensions, notamment entre les communautés Dinka et Nuer, où les rivalités politiques, imbriquées dans des luttes ethniques, ont défini les contours de la guerre (2).
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