La levée du siège de Sarajevo en 1995 est la résultante des difficultés des Européens et de l’ONU, de la pression américaine et du volontarisme du président Chirac. Au final, si la guerre a cessé, la paix n’a pas gagné les cœurs. Le conflit en Ukraine imposé par la Russie prend ses racines dans l’explosion de l’Europe postsoviétique.
Les Accords de Dayton… trente ans de pax americana en Europe postsoviétique ?
The Dayton Accords… Thirty Years of Pax Americana in Post-Soviet Europe?
The relief of the siege of Sarajevo in 1995 was the result of difficulties faced by Europeans and the UN, US pressure and President Chirac’s determination. In the end, although the war came to an end, there has been no heartfelt peace. The Russian-imposed conflict in Ukraine has its roots in the explosion of post-Soviet Europe.
Trente ans après que leur sort ait été scellé à la Conférence de Paris le 14 décembre 1995, dans le droit fil des accords de Dayton, les Bosniens vivent dans un pays dont la constitution est unique au monde. Deux « entités » s’y côtoient, la Fédération de Bosnie-Herzégovine, réunissant Bosniaques (ex-« Musulmans ») et Bosno-Croates, et la Republika Srpska, chacune dotée de ses propres organes représentatifs et de sécurité, sous le contrôle de principe d’institutions communes et surtout, sous une quasi-tutelle de la « communauté internationale ».
La séparation sur les lignes tracées par l’accord, en décembre 1995 et dans les semaines qui ont suivi, s’était effectuée sous la ferme direction de l’IFOR (Implementation Force, émanation de l’Otan), qui avait succédé à la Force de protection des Nations unies (Forpronu) le 20 décembre. À Sarajevo, si le processus a pu se dérouler en évitant les scénarios catastrophes, c’est bien très largement grâce à la crédibilité et à la confiance qu’avaient pu acquérir nos bataillons, qui n’avaient fait qu’abandonner leur béret bleu pour leur coiffure nationale. S’ils n’ont pu éviter un début d’exode des Bosno-Serbes, rendu spectaculaire par l’emport de nombre de cercueils exhumés dans les cimetières, ils ont évité le pire. C’était là le résultat d’un épisode oublié, celui de la réappropriation par la Forpronu à Sarajevo de tous les principes de la guerre, avec les moyens pour le faire.
En 2016, j’ai publié (1), avec un avant-propos d’Hubert Védrine, mon témoignage sur cette période, d’une extrême densité, où j’ai, d’août à décembre 1995, exercé les fonctions de Commandant du Secteur de Sarajevo. Je n’en reprendrai ici que quelques points saillants de portée générale. De la période, on a le plus souvent retenu une idée simple, donc fausse : en préalable à Dayton, on aurait réglé le problème de l’incapacité des forces de l’ONU à lever le siège de Sarajevo, parvenu dans sa quatrième année, en leur substituant l’Otan, qui aurait alors fait preuve de son efficacité. La vérité est paradoxale : c’est la Forpronu qui a conduit les opérations au sol de « rétablissement de la paix » entre août et décembre 1995 (concurremment avec l’offensive aérienne de l’Otan), laissant fin décembre la place à l’Otan, en charge alors du « maintien de la paix » ! Après avoir sommairement décrit le processus de levée du siège qui devait conduire à Dayton, nous verrons comment, à trois décennies des faits, ils demeurent riches en enseignements… le plus souvent ignorés…
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