Une souveraineté numérique totale pour la France est une approche illusoire et irréaliste. Il est préférable d’avoir une démarche plus pragmatique en cherchant d’abord à identifier les véritables vulnérabilités, en acceptant plus de partage, en réfléchissant davantage en termes de résilience et refusant d’instrumentaliser des normes au final peu efficaces.
Souveraineté numérique : l’impossible pourrait-il devenir français ?
Digital Independence: A French Impossibility?
Total digital independence for France is both illusory and unrealistic. A more pragmatic approach should be preferred which seeks out our real vulnerabilities, accepts greater sharing, gives greater thought to resilience and refuses to exploit standards that are in any case fairly ineffective.
Juillet 1813. Lors de la campagne d’Allemagne, Napoléon rabroue Le Marois, qui s’inquiète de ne plus tenir Magdebourg. Impossible ? « Cela n’est pas français ». L’expression, apocryphe, est restée. Juillet 2025. Dans un contexte de guerre hybride, n’est-il pas temps de céder du terrain à une formule qui ferait bonne figure sur le fronton d’une start-up ? Car, ne nous y trompons pas, la souveraineté numérique relève – sauf changement systémique – de l’impossible ! De l’impossible pour les Français, les Européens, mais aussi – et ironiquement – les Américains. La préoccupation précède l’ère de l’informatique moderne. Entre 1940 et 1942, le général de Gaulle aurait ainsi vécu le chiffrement des échanges entre Londres et la Résistance française comme une atteinte à la souveraineté nationale (1). Les Technologies de l’information et de la communication (TIC) ont amplifié le problème. Les chiffres le confirment : 83 % des licences cloud, toutes opérations confondues, seraient acquises auprès d’éditeurs américains… pour un volume estimé à 264 milliards d’euros (2).
Les tactiques de sovereignty-washing ont joué, un temps. Les éditeurs américains ont ainsi consenti à héberger les données en Union européenne (UE). Elles ont cependant vite atteint leurs limites. En juillet 2022, le ministère de la Justice néerlandais était ainsi avisé d’une sous-estimation du risque extraterritorial des lois américaines (3). L’arrivée au pouvoir du 47e Président des États-Unis a délié les langues. En avril 2025, un consultant de Onepoint n’hésitait pas à conclure : « [la souveraineté numérique] devient presque une question de sécurité nationale » (4). Presque ? L’adverbe ferait rugir les opposants au transfert de la gestion partielle du système d’information (SI) du parc nucléaire d’EDF à… Amazon Web Service (AWS), ou à la migration des données estampillées Zone à régime restrictif de Polytechnique vers Microsoft. Pire… la gestion du parc informatique du ministère des Armées par l’américain ServiceNow, lui ouvrant accès à des informations Diffusions restreintes (IM900) et aux données des personnels de la Défense (5).
La réalité opérationnelle se heurte à l’idéalité de la souveraineté numérique. Les discours proposant des solutions en vue d’un découplage se muent souvent en mirage. Alors comment, dans un monde qui se réarme, dans des États criblés de dettes, gérer l’impossible ? En adoptant une approche stratégique de la question, naturellement.
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