La doctrine Bush, lutte totale et permanente contre le terrorisme, se donne comme instrument majeur « l'action militaire pre-emptive » : anéantir la menace dans l'œuf, frapper l'ennemi avant qu'il ne puisse agir. Cette question de la guerre préventive fait partie de ces débats stratégiques qui reviennent régulièrement. Les principes donnent finalement une réponse ambiguë : l'usage de la force ne saurait être admissible que pour réparer un tort ; en même temps, comment interdire totalement à un État, ou une communauté d'États, de prendre l'initiative, dès qu'il est sûr que l'adversaire développe des armes redoutables ? La prévention est-elle efficace ? La guerre est par nature imprévisible. Elle n'est jamais le produit d'une volonté parfaitement libre, mais le fruit d'une combinaison hasardeuse de circonstances et de calculs. La plupart des guerres pouvant être présentées comme préventives ont échappé à leur initiateur. Pourquoi une action militaire préventive en Irak échapperait-elle aux lois multiséculaires de la puissance et de ses aléas ? Cette action ne peut être limitée ni dans l'espace, ni dans le temps.
Politique et diplomacie - La guerre pre-emptive
Le 1er juin 2002, le président George Bush, s’exprimant à l’académie militaire de West Point, définit sa doctrine stratégique autour du principe de pre-emption (1) : face aux « nouvelles » menaces (réseaux terroristes, États voyous…), ni la dissuasion classique — éventuel recours à des moyens massifs —, ni l’endiguement (containment) ne sont adaptés ; il faut prévoir, contre ces nouveaux adversaires, des frappes préalables sélectives afin de les neutraliser avant qu’ils n’aient le temps d’agir. « Si nous attendons que les menaces se matérialisent pleinement, nous aurons attendu trop longtemps. (…) La guerre contre la terreur ne sera pas gagnée par la défensive. Nous devons porter la bataille chez l’ennemi, perturber ses plans et affronter les pires menaces avant qu’elles n’émergent. (…) Notre sécurité requiert (…) une armée prête à frapper immédiatement n’importe où dans le monde. » Ici, l’Irak de Saddam Hussein se profile comme un cas d’école : le dictateur irakien étant gravement soupçonné d’accumuler des armes très dangereuses, la seule politique raisonnable est de le désarmer avant qu’il ne soit en mesure de déchaîner ces capacités redoutables.
Cette doctrine Bush soulève au moins deux passionnantes questions, la première normative, la seconde réaliste. Du point de vue des principes, la doctrine Bush peut-elle être regardée comme légitime, comme plus ou moins conforme au droit international établi ? Par ailleurs, cette doctrine est-elle une réponse politiquement et militairement efficace ?
L’inépuisable équivoque des principes
Comment la morale internationale pourrait-elle justifier de frapper avant d’avoir été frappé soi-même ? Même les durs préceptes des temps primitifs n’autorisent pas cela. Le très vieux dicton « œil pour œil, dent pour dent » suggère non seulement que seule la riposte est permise mais surtout qu’elle doit être strictement identique au dommage subi : je peux crever ton œil si tu as crevé le mien.
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