Gendarmerie et sécurité intérieure - La création d'un recrutement « universitaire » pour les officiers de Gendarmerie
À la suite des interrogations provoquées par l’affaire des « paillotes », qui avait posé la question des capacités de discernement ultime, voire de désobéissance légitime d’une force de police à statut militaire, le gouvernement Jospin avait décidé, en juillet 1999, de faire disparaître, à compter de 2005, le recrutement d’officiers de gendarmerie en provenance des grandes écoles militaires. Ce type de recrutement posait d’ailleurs problème : l’Armée de terre, principalement mise à contribution, admettant difficilement de voir chaque année une quinzaine de ses jeunes officiers, souvent parmi les mieux classés, la quitter pour rejoindre la gendarmerie après seulement trois années de formation à Saint-Cyr. Afin de compenser la suppression envisagée de cette voie de recrutement, ainsi que l’assèchement du concours réservé aux officiers de réserve (avec la suspension du service national), il a été décidé de mettre en place un concours externe auprès des jeunes hommes et femmes (âgés de moins de 26 ans) titulaires d’un diplôme de fin de deuxième cycle de l’enseignement supérieur (maîtrise). La concordance de ces deux mesures a généré dans les rangs de l’institution de vives interrogations et réticences vis-à-vis d’une réforme suspectée d’initier ou de favoriser sa démilitarisation.
Sans même avoir connu un embryon de mise en œuvre, l’abandon du recrutement « grandes écoles militaires » a été enterré récemment par le gouvernement Raffarin, à la faveur d’une mesure destinée à réaffirmer ostensiblement le caractère militaire de l’institution, après, il est vrai, le rattachement au ministère de l’Intérieur. En effet, à l’occasion des 14e rencontres de la gendarmerie, réunissant à Montluçon du 18 au 21 novembre 2002, ses principaux responsables territoriaux, le ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, a déclaré à propos de cette réforme engagée par son prédécesseur Alain Richard : « Cette décision ne m’apparaît conforme ni à la vocation fondamentalement militaire de votre institution, ni à la nécessité de préserver des liens privilégiés entre la gendarmerie et les armées. Elle n’est pas non plus en accord avec le caractère prestigieux de votre arme, caractère qui est une nouvelle fois exprimé cette année par le choix du major de Saint-Cyr d’intégrer l’EOGN. J’ai donc décidé que le recrutement direct sera rétabli au sein des grandes écoles militaires ».
Pour ce qui est du concours « universitaire », qui ne semble pas, quant à lui, être remis en cause, il marque un tournant important pour l’institution, dans le sens d’une ouverture en direction de la société civile rendue encore plus nécessaire en raison de la professionnalisation des armées. La gendarmerie avait d’ailleurs engagé une réflexion en ce sens, dès la fin des années 80, préconisant la création d’un concours à la sortie des universités. Ce projet fut toutefois abandonné compte tenu de l’opposition du ministre de la Défense de l’époque, Pierre Joxe. De nouveau, en 1997, une commission de réflexion (présidée par le général Denizot) devait proposer un projet de réforme d’ensemble du recrutement et de la formation des officiers reprenant cette idée de constituer une voie universitaire, sans connaître de prolongements immédiats, de sorte que c’est le précédent gouvernement qui a rendu effectif ce projet. Ce concours, prévu initialement dès 2001, a été finalement reporté au printemps 2002, en raison des délais nécessaires pour établir les programmes des épreuves et modifier les textes réglementaires (notamment le décret statutaire des officiers de gendarmerie du 22 décembre 1975). Curieusement, la mise en place de ce concours s’est effectuée sans aucune contribution ou sollicitation extérieure, notamment de la communauté universitaire, la gendarmerie ayant manifestement préféré l’entre-soi pour digérer cette mutation et rédiger sa copie.
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