L'auteur suit le cheminement des relations franco-allemandes depuis les premiers efforts de rapprochement entre les deux peuples jusqu'à l'état actuel des rapports, en ne négligeant point les périodes de crise, mais en soulignant, en même temps, l'efficacité des mécanismes créés par le traité franco-allemand de 1963. Il essaie aussi de démontrer qu'en amplitude et profondeur les liens franco-allemands sont devenus exceptionnels sur l'échiquier international. Il n'y a dans le monde aucun autre exemple d'une semblable interpénétration, qui pourra se développer encore en une Europe élargie.
Le couple franco-allemand, bilan et perspectives
Avant de dresser le bilan — nécessairement sommaire — de quatre décennies de coopération franco-allemande, il paraît utile de rappeler en mémoire l’atmosphère politique et psychologique durant les mois précédents la signature du traité du 22 janvier 1963. Conformément à sa conception d’une Europe des États, n’affectant pas les souverainetés nationales dans leurs domaines essentiels, le général de Gaulle avait proposé le plan Fouchet conduisant vers une union politique sans doute limitée, mais bien réelle. Après des négociations assez longues, ce projet échoua finalement en raison de la méfiance hostile du camp européen fédéraliste, animé par les ministres des Affaires étrangères belge et néerlandais, Paul-Henri Spaak et Josef Luns.
Ces derniers redoutaient notamment que le Président français voulût, plus ou moins subrepticement, subordonner la Commission européenne au Conseil des ministres, conçu comme un instrument essentiellement intergouvernemental, loin de toute supranationalité. Dans l’optique de fédéralistes, l’Europe communautaire qu’ils visaient devrait céder la place à une Europe des patries. La méfiance envers le plan Fouchet était renforcée par la vision du général de Gaulle d’une Europe puissance, d’une Europe européenne, qui aurait vite pu prendre un aspect anti-américain. Or, dans beaucoup d’esprits, la solidité de l’Alliance atlantique ne devait d’aucune façon être affectée par la construction européenne. Se sentant bloqué sur le plan européen, groupant alors six États seulement, le général de Gaulle se tourna vers l’Allemagne, en lui offrant une collaboration privilégiée. Le bloc bilatéral ainsi formé aurait pu servir de modèle et de moteur européen pour les autres partenaires.
En premier lieu, il fallait achever la réconciliation franco-allemande, certes point effacer un passé tragique et douloureux, mais tirer définitivement un trait sous une période marquée par trois guerres meurtrières. On oublie parfois que le premier pas important et courageux dans cette direction fut la publication le 9 mai 1950 du plan Schuman pour la constitution de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), deux matières traditionnellement liées à la production d’armes. Puisqu’il s’agissait surtout de jeter un premier pont entre les deux peuples voisins, Robert Schuman s’assura, avant d’en parler aux autres partenaires éventuels, de l’accord du chancelier Adenauer. On ne se trompe guère en considérant la CECA, la première structure européenne, essentiellement comme une œuvre franco-allemande.
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