La professionnalisation des armées, qui devait se traduire par des forces de meilleure qualité, modernisées et entièrement projetables, s'est avérée jusqu'à présent des plus délétères. L'Armée de terre, numériquement la plus importante, est aussi la plus touchée. Englués dans leur rigidité doctrinale et leur confinement idéologique, ses responsables peinent à la mettre au diapason d'un environnement en pleine mutation. En recherchant l'excellence technologique pour suppléer la diminution d'effectifs, elle a progressivement paupérisé ceux qui la servent et s'est scindée en une armée à deux vitesses. Constamment lésée par les lois de finances successives, elle est accablée de missions dont la plupart sont en décalage complet avec ses priorités théoriques. La complexité croissante de ses interventions et des compétences exigées n'est pas sans soulever de nombreux dilemmes, dont celui d'un recrutement en voie d'épuisement.
Où va l'Armée de terre ?
L’Armée de terre va dans le mur. Cette armée à laquelle on demande tout, en exigeant trop, et pour laquelle on ne laisse que des miettes dans les lois de finances successives, supporte à elle seule les quatre cinquièmes des opérations conduites par les armées. Non seulement l’État ne lui donne pas les moyens d’évoluer, mais elle-même ne se les donne pas non plus.
On lui demande de faire de l’intégration sociale, tradition républicaine oblige ; d’être par défaut l’institution de la seconde chance éducative, pour ceux qui n’auraient pas saisi la première ; de se poser en précurseur de la féminisation et de l’égalité des chances en matière d’emploi public. On lui demande de faire de la diplomatie sur le champ de bataille, quand sa vocation première reste le combat ; de s’atteler à des missions de service public pour combler les déficits structurels de l’État ; de faire de la communication tous azimuts et tout le temps, pour galvaniser le recrutement et convaincre l’opinion publique que oui, l’Armée de terre est encore utile à quelque chose. Et tout ça, sans oublier l’essentiel : se préparer à faire la guerre, avec un budget peau de chagrin.
La promesse d’une Armée de terre moins dispendieuse ne s’est malheureusement pas concrétisée. Les coûts de la professionnalisation ont été largement sous-estimés, notamment ceux liés aux départs précoces d’engagés, relativement plus nombreux dans les régiments. Le ministère de la Défense n’a pas, semble-t-il, souhaité procéder à des arbitrages, pourtant essentiels, entre les programmes cruciaux et ceux pouvant être purement et simplement abandonnés. De son côté, l’état-major de l’Armée de terre n’avait, naturellement, aucun intérêt à faire des concessions tant les choix du législateur semblaient échapper à toute logique stratégique. Comment s’étonner, dans ces conditions, de l’état de paupérisation d’une armée dont non seulement les matériels, mais désormais les effectifs budgétaires sont menacés ?
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