Confrontée à de nouvelles formes de conflictualité, la France, loin de se replier sur elle-même, aura à aller au contact d’un monde en mouvement. C’est à l’aune de cette certitude que seront être mises sur pied les forces terrestres de demain. Elles devront être à même de soutenir dans la durée un engagement opérationnel permanent tout en restant capables d’intervenir de manière décisive et de participer à la construction de l’Europe de la défense.
L'avenir des forces terrestres
Tomorrow's land forces
Confronted with new types of conflicts, France will be unable to withdraw into itself but will have to remain in contact with a turbulent world. This certainty is the yardstick by which tomorrow’s land forces will have to be structured. They will have to be able to sustain, over a long period, standing operational commitments while retaining the capability of undertaking decisive intervention operations, and of participating in the construction of the European defence identity.
Le XXIe siècle stratégique a-t-il commencé ? On peut se le demander tant notre représentation du monde reste tributaire d’un XXe siècle façonné par le modèle politique de l’État-nation, par un paradigme de la conflictualité associant perspective de guerre totale et espoirs de paix perpétuelle, et par une conception de l’efficacité militaire fondée sur le seul principe de destruction. Il y a certes des raisons à cette rémanence. Les structures étatiques, les grilles d’analyse, les appareils militaires restent aujourd’hui très largement héritiers de la guerre froide, et en l’absence de preuve formelle de leur péremption, les conceptions qui les sous-tendent conservent une vertu rassurante. Cette période de transition, que la fin de la conscription, en France comme dans la plupart des pays d’Europe, n’avait fait qu’annoncer, touche pourtant manifestement à son terme. Europe, États-Unis, Asie, partout l’histoire semble hésiter, sans qu’il soit besoin d’en rappeler les signes tangibles. En France, le vote, pour la première fois en 2007, de la classe d’âge née alors que tombait le mur de Berlin prend ainsi une dimension symbolique.
Ce tournant, confusément ressenti, revêt une signification particulière en matière de défense, alors que la perception de nouvelles menaces très évolutives contraste avec l’image de forte inertie que transmettent les systèmes militaires occidentaux. La « transformation » qui rythme les discours apparaît davantage comme le titre générique d’un vaste débat relatif aux appareils militaires de demain que comme la ligne directrice des réformes d’aujourd’hui. De fait, toute adaptation d’un système militaire à une nouvelle donne stratégique est limitée par la tyrannie de l’existant ; on sait que ce fut là un avantage comparatif paradoxal pour l’armée allemande de l’entre-deux-guerres que de se reconstruire à partir de rien face à des armées alliées aux arsenaux pléthoriques. À ce titre, l’arrivée en fin de vie de la plupart des matériels majeurs qui équipent nos forces (avions de combat, bâtiments de guerre et matériels terrestres) doit être considérée comme l’occasion privilégiée d’un large débat capacitaire que le récent décret sur les responsabilités des chefs d’états-majors donne les moyens d’organiser.
Dans ce cadre nécessairement interarmées, la question des forces terrestres est centrale, tant elles ont toujours été en première ligne face aux soubresauts de l’histoire. Elle devra être examinée attentivement, faute de quoi les responsables militaires pourraient, à juste titre, se voir reprocher plus tard de ne pas avoir préparé, pour la France, l’armée de ses besoins, comme ce fut le cas à plusieurs reprises par le passé. Cette analyse relative aux forces terrestres de demain ne peut naturellement faire l’économie d’un constat relatif à l’environnement géopolitique plus large qui fonde leur action.
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