Parmi les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, le Royaume-Uni est l’État qui dispose de la plus petite force de dissuasion, avec moins de 200 têtes et un seul type d’arme pour sa mise en œuvre éventuelle. L’« interdépendance » dans le domaine nucléaire avec les États-Unis voulus par les gouvernements britanniques depuis une cinquantaine d’années a conduit Londres à se trouver dans une position de dissymétrie technologique croissante à l’égard des Américains. Ce choix politico-stratégique a fini par restreindre considérablement les options qui restent encore ouvertes au Royaume-Uni pour rester à l’avenir un joueur dans le club des puissances nucléaires militaires.
L'avenir de la force de dissuasion britannique
The future of the British deterrent force
Of the permanent members of the UN Security Council, the United Kingdom has the smallest deterrent force, with fewer than 200 warheads and a single delivery system. Successive British governments’ policies for nuclear interdependence with the United States over the past 50 years have led to a growing technological dissymmetry with the Americans. This politico-strategic choice now considerably restricts Britain’s options for remaining a member of the club of nuclear powers into the future.
Au Royaume-Uni la dissuasion nucléaire n’a jamais incarné les symboles qui sont attachés en France à la « force de frappe ». De ce côté de la Manche, la dissuasion nucléaire répond à plusieurs fonctions dont deux restent primordiales dans l’inconscient français : conjurer un nouveau mai 1940, c’est-à-dire un effondrement militaire, politique et moral consécutif aux coups d’un adversaire déterminé ; préserver l’autonomie de décision politico-militaire des autorités françaises pour ne plus être soumis aux terribles et humiliantes pressions internationales comme celles qu’a subies, par exemple, la IVe République, notamment lors de l’affaire de Suez en 1956.
Historique
En Grande-Bretagne, la dissuasion nucléaire s’est imposée à la fin des années 40 dans l’hypothèse d’une relative inaction américaine dans le cas où les intérêts vitaux du Royaume-Uni auraient été menacés par l’Union soviétique. L’opinion britannique a compris et admis cette nécessité tant que Moscou pouvait s’en prendre directement aux Îles britanniques ; une frange importante de l’opinion était cependant peu convaincue et faisait « contre mauvaise fortune bon cœur ». La traduction politique de cette situation fut l’absence d’un consensus général en faveur de la dissuasion, même si les sondages attestent que la population britannique y est toujours majoritairement restée attachée. À partir des années 70 l’opposition au nucléaire militaire, alors latente, est devenue franchement hostile avec l’affaire des « euro-missiles » comme en atteste la vigueur du Campaign for Nuclear Disarmament (CND), mouvement antinucléaire emblématique du Royaume-Uni.
Cette opposition a alimenté des débats, souvent interminables et rébarbatifs, portant sur les composantes morales, légales ou politiques de la dissuasion. Aujourd’hui deux grands types d’arguments sont mis en avant, outre-Manche, pour refuser le nucléaire militaire. Les uns se rapportent au désarmement nucléaire, alors qu’une conférence de révision du Traité de non-prolifération (TNP) se profile en 2010 : les Britanniques iraient à son encontre en ne désarmant pas et en acceptant les transferts de savoir-faire et de matériaux nucléaires de la part des Américains. Les autres motifs d’opposition concernent les priorités internationales du gouvernement britannique qui devrait agir en faveur de la « sécurité humaine » (human security), un thème très en vogue dans les sociétés post-modernes anglo-saxonnes et scandinaves, et lutter contre les atteintes au climat qui menaceraient la stabilité internationale, plutôt que de se préoccuper du renouvellement de la force de dissuasion britannique qui ne répondrait pas à ces nouvelles menaces (1).
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