Résumant une nouvelle fois tous les antagonismes régionaux, le Liban devient un enjeu important pour la stabilité de sa zone et au-delà, avec le risque réel de le voir se transformer en un État défaillant et en base arrière pour les mouvements terroristes jihadistes. La communauté internationale propose un programme de sauvetage économique, parallèlement aux efforts de stabilisation sur le terrain. Des initiatives de nature politique sont également lancées, dans le cadre de l’ONU ou non, afin de mieux réussir la réinsertion du Liban dans son environnement régional et sur l’échiquier international, maintenant qu’il a été « repris » à la Syrie, mandatée par les États-Unis pendant près de quinze ans. Le Liban doit aussi se préparer à se gouverner par lui-même, sans hégémonie syrienne, sans ingérence iranienne ou arabe dans ses affaires internes, et sans téléguidage international non plus. Pour rassurer la communauté internationale, il doit enfin élaborer une stratégie de sécurité et de défense qu’il n’a jamais pu avoir faute de cohésion interne et faute d’une lecture commune des intérêts nationaux. Pour le faire, le Liban doit d’abord se reconstruire politiquement. Et au-delà de la défense militaire, c’est le Liban « message » et le Liban « terre de rencontres entre les civilisations » que l’on cherchera à défendre.
Liban : stratégie de défense nationale et reconstruction politique
Lebanon: political reconstruction must precede defence strategy
Once again embodying all the region’s antagonisms, Lebanon has become an important factor in the stability of the Middle East, with a real risk that is could become a failing state and a staging ground for jiha-dist terrorist movements. The international community is putting forward an economic rescue package, in parallel with stabilisation efforts made on the ground. Political initiatives have also been launched, within or outside the UN framework, in order to help reinsert Lebanon into its regional environment and the international scene, now that it has been ‘recaptured’ from Syria, whose influence was mandated by the United States for nearly 15 years. Lebanon must be prepared to govern itself free of Syrian hegemony, and without Iranian or Arabian interference in its internal affairs. And without international remote control. Lastly, to reassure the international community, Lebanon must draw up the security and defence strategy that it has never been able to have for lack of internal cohesion and a common interpretation of its national interest. To do so, Lebanon must first reconstruct itself politically. Beyond military defence, it is Lebanon as message and Lebanon as meeting point of civilisations that one will be trying to safeguard.
Par manque de visibilité et sous les pressions internes et externes, le Liban n’a jamais pu élaborer une stratégie de défense et de sécurité véritablement nationale, déléguant, involontairement il est vrai, cette responsabilité souveraine à la communauté internationale qui y associait au gré des intérêts et des évolutions des acteurs régionaux. Pour ceux-ci, voisins immédiats ou puissances régionales moins proches, le Liban a été systématiquement évalué à partir de sa capacité de nuisance, ce qui lui valait toujours une place, qu’il n’a jamais recherchée, dans leurs stratégies de défense et de sécurité. Ainsi, dépourvu d’une vision nationale pour sa sécurité et privé d’une stratégie de défense qui lui soit propre, le Liban subissait les paradoxes et les contradictions résultant de son balancement entre des axes hostiles, et assistait impuissant aux violations répétées de sa souveraineté.
Aujourd’hui, la communauté internationale est à nouveau mobilisée pour le Liban, pour tenter une nouvelle fois de contenir la capacité de nuisance de ce pays redevenu le théâtre de toutes les contradictions régionales. Alors qu’il est plus que jamais sous la responsabilité de la communauté internationale, le Liban paraît à nouveau condamné à renoncer à son droit à défendre sa souveraineté par ses propres moyens, à travers une vision nationale et globale de sa sécurité, et en élaborant par lui-même une stratégie de défense cohérente. L’internationalisation de la sécurité du Liban, ou la pacification de la scène libanaise par la communauté internationale, aidera-t-elle ce pays à exister à nouveau comme un État souverain pour prétendre à une stratégie nationale de défense et de sécurité ?
Après l’épisode de 1982 et l’invasion israélienne visant à éliminer la menace de l’OLP et l’instauration à Beyrouth d’un régime allié, vint l’épisode de l’occupation syrienne motivée entre autres par la nécessité pour Damas d’installer dans le pays voisin un régime qui lui soit entièrement soumis et sur lequel il est possible de compter pour enrayer les menaces contre le pouvoir alaouite. Pendant ces deux épisodes, le Liban était « internationalisé » avec la présence directe de forces multinationales et autres forces d’interposition, puis avec les programmes de sauvetage politiques et économiques. Les accords de Taëf, imposés dans un contexte interne suicidaire, sont des accords internationaux (les États-Unis), parrainés par une puissance régionale (l’Arabie saoudite) et dont « la mise en œuvre » devait être sous-traitée à un État voisin (la Syrie). Ces accords reflétaient les évolutions des rapports de force internes, avec l’effritement du pouvoir chrétien maronite, et transféraient à la communauté musulmane le gros des prérogatives du pouvoir exécutif. Ils devaient être accompagnés de montages financiers et économiques également imaginés par les partenaires internationaux avec une contribution substantielle des puissances arabes régionales impliquées (les conférences de Paris 1 et Paris 2).
Il reste 69 % de l'article à lire
Plan de l'article