À l’aube de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, force est de dresser un constat préoccupant : la capacité militaire cumulée des États membres de l’UE reste faible par rapport à leur puissance économique et, sans réforme des politiques d’armement, la pérennité de l’industrie européenne de défense n’est pas assurée, notamment en raison du contexte de compétition mondiale exacerbée. Quatre ans après la création de l’Agence européenne de défense, qui est un succès indéniable mais qui ne peut agir sans la détermination des États membres qui la pilotent, on peut considérer que les outils pour une politique d’armement européenne sont en place. De son côté, la Commission européenne apporte une contribution décisive à la construction d’un marché européen des équipements de défense avec le « paquet défense ». L’heure est donc aux prises de décision et au lancement de travaux concrets.
L'Europe de l'armement : la seule chance pour l'industrie ?
A joint European armaments venture: the sole chance for industry?
On the eve of the French presidency of the European Council, it is worrying to see that the overall military capability of EU member states is still weak given their economic weight. Without a change in armaments policies, the durability of the European defence industry is un-certain, particularly owing to rising global competition. Four years after the establishment of the European Defence Agency, which is an undeniable success but cannot progress without determination on the part of the member states who steer it, the tools for a European armaments policy are seemingly in place. And the European commission makes a decisive contribution to the establishment of a European defence equipment market with the ‘defence package’. So it is time to make decisions and to launch concrete projects.
L’Union européenne est la première puissance économique mondiale avec un produit intérieur brut et un marché intérieur significativement plus grands que ceux des États-Unis. Pourtant, malgré les efforts de certains États membres, sa faiblesse militaire est persistante ; le manque d’investissement en armement en est l’une des causes principales. Les Européens doivent prendre conscience qu’il est indispensable d’augmenter progressivement les ressources qu’ils consacrent à leur armement s’ils veulent assurer la pérennité de leur capacité militaire et de la base technologique et industrielle qui la sous-tend.
En effet, en 2005, la dépense par soldat est environ trois fois plus grande aux États-Unis qu’en Europe. Il serait simpliste de dire que le soldat américain est trois fois mieux équipé que son homologue européen ; mais l’écart est suffisamment significatif pour faire une différence au niveau opérationnel, d’autant plus que l’investissement reste très fragmenté en Europe, ce qui en limite l’efficacité. Sans une rupture dans les pratiques, la tendance sera un accroissement de cette différence de capacités : l’investissement dans la recherche et technologie (R&T) est en effet cinq fois plus important de l’autre côté de l’Atlantique qu’en Europe. Cette situation est préoccupante, non pas tant à cause de l’apparition d’un gap technologique entre les Américains et leurs alliés Européens, qui est cependant un problème pour assurer la pérennité du lien transatlantique, mais plutôt parce qu’il y a maintenant un risque réel pour l’Europe de se faire dépasser sur le plan des technologies militaires par un certain nombre d’acteurs émergents (Chine, Inde, Brésil, etc.) qui augmentent régulièrement et de manière soutenue leurs dépenses d’armement et de technologies de défense.
Il ne s’agit pas de conclure que l’Europe devrait s’aligner sur les États-Unis pour ses investissements de défense car bien des différences existent au niveau des concepts. Cependant, les demandes des Américains se font de plus en plus pressantes pour que les Européens prennent leur part du fardeau de la sécurité de l’Europe et du monde. Ainsi, l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Otan, Mme Nuland, déclarait récemment dans un discours à Paris : « Europe needs, the United States needs, NATO needs, the democratic world needs – a stronger, more capable European defense capacity » (1). Face à cette situation, la prise de conscience des Européens s’accélère. Il suffit de noter les nombreuses évolutions depuis l’apparition de la PESD en 1999 pour en témoigner. Toutefois, les États membres doivent aussi accélérer la réalisation concrète de l’Europe de la défense.
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