L’actualité de l’été 2008 a été particulièrement riche sur le plan géostratégique et a accéléré la prise de conscience de la multipolarité d’un monde qui n’est plus dominé par une ou deux super-puissances. Mais les différents pôles qui émergent sont loin d’être égaux, ce qui peut créer une situation d’instabilité dangereuse. La réponse la plus commode pour l’esprit serait de reconstituer des blocs pour retrouver un équilibre de forces sur le modèle de la guerre froide qui, après tout, a assuré un demi-siècle sans guerre majeure. La réalité est évidemment moins simple et le CARA (comité d’analyse et de réflexion sur l’actualité, qui rassemble depuis 1991 des auditeurs de l’IHEDN pour des travaux d’approche stratégique de l’actualité) a choisi de l’analyser sous l’angle des conséquences possibles de ces événements et des leçons qui pourraient en être tirées ; il s’agit en particulier du choix pour l’Europe d’un rôle et d’une place dans ce monde en mouvement.
Leçons estivales 2008 pour l'Europe
Summer 2008: lessons for Europe
A lot happened in the summer of 2008, especially at the geostrategic level, and this enhanced awareness of the increasingly multipolar nature of the world, no longer dominated by one or two superpowers. However, the various poles that have emerged are far from equal, and this is likely to lead to a dangerously unstable situation. At first sight the most logical response might be to re-create the blocs and thereby recoup a balance of power modelled on the Cold War; this did, after all, deliver half a century with no major war. The reality is clearly not so simple, and CARA, which since 1991 has been a vehicle for IHEDN (Institute for Higher National Defence Studies) students to take a strategic approach to current affairs, has decided to analyse the situation, looking at possible consequences of these events and trying to identify any les-sons that might be learned from them. Particular emphasis has been placed on Europe’s options in selecting both a role and a position in this turbulent world.
Géorgie, Chine, crise financière, l’actualité internationale a été particulièrement chargée cet été et devrait hâter notre prise de conscience de l’instabilité et de la fragilité des équilibres stratégiques actuels : quelles bases, quels contours pour un nouvel ordre (ou désordre) mondial ? Quel rôle pour des acteurs occidentaux jusqu’ici dominants ?
Cette actualité a consacré le « retour » de la Russie et l’émergence de nouveaux rapports de force, en particulier au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique latine. Elle marque l’échec du président G.W. Bush dans sa politique économique (accentuation de la dérégulation lancée par R. Reagan), comme dans sa politique étrangère « néoconservatrice » légitimant le recours à la force pour la défense de « l’exception américaine ». Cette conjonction historique d’engagements militaires et de crise économique et financière a affaibli les États-Unis et remis en cause le rôle dominant qu’ils assumaient depuis la disparition de l’URSS.
L’ensemble du monde occidental, et plus particulièrement l’Europe et l’Alliance atlantique, est concerné au premier chef. Il apparaît indispensable de nous interroger sur la pérennité de nos organisations et d’envisager l’émergence de nouveaux partenariats et alliances (1). Si l’on considère par exemple qu’un véritable « développement durable » doit permettre de « symétriser la globalisation économique par la globalisation des droits du citoyen » (justice sociale, protection de l’environnement) et que c’est rentable (2), ne doit-on pas favoriser l’éducation, le projet économique et social, la maîtrise de la démographie des pays les moins développés ? Peut-on toutefois y parvenir sans une amélioration radicale de la gouvernance des États concernés ? Cette analyse de l’actualité, d’un point de vue européen, a produit des leçons et voies de recherche qui sont rassemblées ici en cinq textes brefs élaborés à partir des monographies figurant en annexe (3).
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