Quinze ans après les premières élections démocratiques (avril 1994), l’Afrique du Sud s’est imposée sur la scène internationale. La France qui a longtemps manifesté une certaine bienveillance à l’égard du régime d’apartheid, entretient aujourd’hui des relations complexes avec l’Afrique du Sud, perçue autant comme un partenaire naturel pour construire un monde multipolaire que comme un rival sur le continent noir. La visite du président Sarkozy en février 2008 dans ce pays a-t-elle permis de dissiper les malentendus ?
La France et l'Afrique du Sud
France and South Africa
Fifteen years after its first democratic elections (April 1994), South Africa has emerged onto the international stage. France, which for a long time exhibited a certain benevolence towards the apartheid regime, now enjoys a complex relationship with South Africa, seen both as a natural partner in the building of a multipolar world and as a rival on the African continent. Did the visit to the country by President Sarkozy in February 2008 enable certain misunderstandings to be dispelled?
Au printemps 2009, se tiendra en Afrique du Sud le quatrième scrutin législatif depuis l’instauration de la démocratie en 1994. Les Sud-Africains choisiront alors le successeur de Thabo Mbeki, élu en 1999 après les cinq années de présidence de Nelson Mandela (1). Les relations entre l’Afrique du Sud post-apartheid, la première puissance économique du continent africain, et la France connaissent depuis quelques années une évolution favorable, après une période de méfiance réciproque. La visite de Nicolas Sarkozy en février 2008, puis la tenue à Bordeaux en juillet 2008, du premier sommet Union européenne-Afrique du Sud traduisent ce rapprochement diplomatique.
De 1961, date de l’indépendance de l’Afrique du Sud, jusqu’au milieu des années 80, les relations avec la France furent plutôt étroites, motivées par des intérêts communs, la lutte contre l’expansion du communisme en Afrique et une coopération économique fructueuse. Avec le démantèlement de l’apartheid, puis l’élection de Nelson Mandela, les relations entre Paris et Pretoria se sont distendues. L’Afrique du Sud juge alors la France comme une puissance néocoloniale et un concurrent économique potentiel. En près de quinze ans, l’Afrique du Sud n’a accueilli que trois présidents : François Mitterrand (1994), Jacques Chirac (1998) puis Nicolas Sarkozy. Pourtant depuis l’élection de Thabo Mbeki en 1999, les deux États ont pris progressivement conscience de leurs intérêts communs.
Ancien dominion britannique, l’Afrique du Sud s’est néanmoins très tôt rapprochée de la France, au début des années 60. La rupture institutionnelle brutale avec la Grande-Bretagne (2) amène le gouvernement sud-africain à rechercher un partenaire soucieux, comme lui, de la stabilité politique du continent noir. Paris et Pretoria entretiennent dès cette époque, une coopération militaire très étroite qui s’est traduite notamment par la livraison de sous-marins de classe Daphné et Agosta, d’avions Mirage, et d’hélicoptères Alouette ; puis à partir de 1971, de missiles Crotale. Ces liens militaires se sont poursuivis, plus discrètement, jusqu’à la fin des années 80, en dépit de l’adoption de sanctions internationales par les Nations unies (qui décrètent en novembre 1977 par la résolution 418, un embargo sur les ventes d’armes à destination de l’Afrique du Sud) puis par la CEE en 1985 et 1986. La victoire de François Mitterrand en 1981 n’a pas empêché Framatome d’achever la construction des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Koeberg, puis la livraison, lors de la première cohabitation, d’hélicoptères Puma. Si cette attitude peut sembler surprenante au regard des valeurs démocratiques véhiculées par la France, la Realpolitik a toujours prévalu. Le combat contre l’Union soviétique et ses satellites, en l’occurrence l’Angola, justifie une telle action, et les entreprises nationales entendent honorer des contrats conclus avec un gouvernement légitime. La position de Paris rejoint alors celle de Washington. La France semble peu engagée dans le combat contre la discrimination raciale, et le gouvernement de Pretoria dispose de relais influents au sein de l’appareil d’État français. Les assassins de Dulcie September, la représentante de l’ANC (3) à Paris, tuée en mars 1988 ont selon toute vraisemblance bénéficié de la complicité de quelques « barbouzes tricolores » (4). Ce crime reste à ce jour toujours impuni. Quand le système d’apartheid est enfin abrogé en 1991, la France apparaît donc comme compromise avec l’ancien régime. Au début des années 90, la place de la France en Afrique du Sud va s’éroder et la visite de François Mitterrand en juillet 1994, ne va guère permettre de renforcer son influence dans ce pays. En dépit de certains signes de réconciliation avec notamment la visite d’État de Nelson Mandela à Paris en juillet 1996, une certaine méfiance va subsister entre les deux États, entretenue par plusieurs contentieux commerciaux, particulièrement agricoles.
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