L’évolution du droit de la mer qui accorde de nouveaux espaces de souveraineté et de juridiction aux États, sans toutefois préciser véritablement comment les délimiter, est à l’origine du contentieux opposant la Grèce et la Turquie en mer Égée. Cet article fait des propositions de règlement pour la délimitation de la mer territoriale, du plateau continental et de la Zone économique exclusive en se référant à la jurisprudence développée en la matière et à la pratique des États, tout en prenant en considération les exigences d’équité et de sécurité de la Grèce et de la Turquie.
Le conflit gréco-turc en mer Égée : un règlement impossible ?
The Greco-Turkish dispute over the Aegean Sea: a possible solution?
The evolution of the Law of the Sea, which gives countries new spaces of sovereignty and areas of jurisdiction without specifying their delimitation, is the source of the dispute between Greece and Turkey in the Aegean Sea. This article sets out possible solutions for the delimitation of territorial waters, the continental shelf and exclusive economic zones with reference to the established related jurisprudence and the practice of the states, while taking into consideration the equity and security requirements of both countries.
Au cours des quarante dernières années la Grèce et la Turquie ont été plusieurs fois au bord du conflit armé en raison de leur opposition fondamentale portant sur la souveraineté exercée sur les eaux de la mer Égée. L’héritage historique est très lourd : la Turquie a perdu presque tous ses territoires européens aux XIXe et XXe siècles (voir carte page suivante) ; la Grèce quant à elle dominait culturellement toute la zone ainsi que les rivages de l’Anatolie depuis l’Antiquité : Constantinople est tombée aux mains des Ottomans il y a plus de cinq siècles (1453), mais les populations grecques sont demeurées jusqu’à une date récente sur la rive orientale de la mer Égée.
Le Traité de Lausanne du 24 juillet 1923 a provoqué le départ de 1,3 million de Grecs qui ont quitté les régions de Smyrne et la Thrace occidentale, et de 400 000 musulmans qui ont abandonné la Thrace orientale pour rejoindre la Turquie. Deux légitimités historiques mêlées de ressentiments s’affrontent.
La répartition territoriale issue des Traités de Lausanne (1) et de Paris du 10 février 1947 (2) semblait relativement stable ; la Grèce possédait logiquement presque toutes les îles de la mer Égée dont la population est grecque depuis l’Antiquité. L’évolution du droit international après la Seconde Guerre mondiale, et singulièrement après 1958 (3), a cependant remis en cause ce relatif statu quo. En effet, les îles grecques sont éparpillées dans l’ensemble de la mer Égée jusqu’à proximité immédiate des côtes de la Turquie ; c’est notamment de cas de Lesbos, Chios, Kos, Rhodes et Samos. Certaines îles de taille plus réduite sont encore plus proches ; c’est notamment le cas de Megisti (Castellorizo) excentrée vers le sud-est qui n’est qu’à 1 300 mètres de la côte turque. Cette situation est devenue très complexe avec l’évolution du droit de la mer.
Il reste 91 % de l'article à lire
Plan de l'article