La République islamique d’Iran doit susciter attention et réflexion dans l’actuel contexte de crise. Aller aux sources de sa conception du monde comme des réalités qui la conditionnent peut conduire à comprendre les raisons qui l’ont amené à s’engager dans la voie, qui n’est pas sans péril, de la prolifération nucléaire. Organisé en république islamique depuis 1979, l’Iran n’échappe pas à un passé qui est monolithiquement impérial et qui, depuis la civilisation de Jiroft puis du royaume élamite, s’est construit autour de seuls rapports de force et d’expansions territoriales, réussies ou contrariées, au cours des cinquante et un siècles de son histoire. On peut donc se demander si la crise actuelle engendrée par sa tentative d’accession à la capacité nucléaire militaire ne cache pas une volonté de sanctuariser un territoire national existant et d’empêcher que ne soit mise en cause une expansion territoriale ou d’influence nouvelle, renouant ainsi avec un passé impérial.

Ce premier article analyse les conditions objectives que remplit la République islamique afin de déterminer si elle a les moyens de renouer avec son ambition impériale. Un second article tentera de définir quels sont les domaines que l’Iran serait susceptible de sanctuariser si sa tentative était couronnée de succès.

« L’empire est un système qui unit l’espace physique, la diversité des populations, l’unité du gouvernement, l’emprise de la bureaucratie, la puissance de l’armée, la religion à vocation universelle et la déification du souverain » écrivait Maurice Duverger en 1977. Dans l’histoire des civilisations, la conjonction de six grands facteurs détermine si une population nourrit des ambitions impériales qui se réaliseront : le premier est lié à sa démographie et aux migrations qu’elle subit sur son territoire. Le deuxième a trait à sa géographie, à son climat et aux conditions sanitaires. Le troisième relève de son économie, tandis que le quatrième facteur ressort de sa propre organisation politique, administrative et militaire. Le cinquième touche aux constructions idéologiques et religieuses qui la caractérisent, tandis que le dernier est décelable dans une certaine supériorité technologique, notamment de ses armements. C’est ensuite par le simple assemblage de ces critères qu’une lecture de politique étrangère peut être faite et qui révèle le sens des faits. C’est à l’aune de cette évaluation que pourrait être compris ce que veut faire l’Iran d’une capacité de dissuasion nucléaire, pour l’instant hypothétique.