Après Hiroshima, l’URSS semble avoir hésité pendant quelques années, un peu comme les États-Unis du reste, entre deux tendances opposées au sujet de l’arme nucléaire, qui venait d’apparaître. D’un côté, la tendance des responsables politiques qui, soit ne croyaient pas ou du moins feignaient de ne pas croire à l’arme nucléaire comme Staline, soit y voyaient au contraire comme Khrouchtchev un moyen nouveau et efficace d’atteindre les objectifs politiques de l’URSS. De l’autre côté, celle des chefs militaires pour lesquels l’arme nucléaire se situait dans le prolongement de l’aviation de bombardement, et de l’artillerie lourde qui tient, on le sait, une grande place dans l’histoire militaire russe.

À l’inverse des États-Unis, ce sont plutôt les militaires qui l’ont jusqu’à présent emporté chez les Soviétiques, après que le fait nucléaire ait été intégré dans le système de pensée de Moscou, ce qui a demandé un certain temps, comme le montrent les positions différentes prises sur ce sujet par Staline puis Khrouchtchev.

La question qui se pose aujourd’hui, après le déploiement des missiles SS 20 et les diverses prises de position de Brejnev en 1981 sur les dangers de la guerre nucléaire, est de savoir si les Soviétiques n’en sont pas venus à une conception plus globale et dans une certaine mesure plus politique de l’armement nucléaire ? Les pages qui suivent suggèrent des éléments de réponse à une question qui n’est peut-être pas sans rapport avec le récent limogeage du chef d’état-major général Ogarkov ⁽¹⁾. Mais revenons à Staline et à l’époque de l’immédiat après-guerre.