Dans le passé, il y a parfois eu des bouleversements profonds dans la nature de la compétition entre les nations, dans leurs organisations militaires, dans l’exercice de la dissuasion et, en cas d’échec de cette dernière, dans la conduite des hostilités. En même temps, ces révolutions altéraient — de façon parfois radicale — les critères d’évaluation du potentiel militaire et de l’efficacité des forces armées ; de nouvelles règles du jeu entraînaient l’obsolescence rapide d’attributs pourtant naguère essentiels de la puissance militaire, qu’il s’agisse d’armements, de modes d’action, de doctrines. Certaines de ces révolutions militaires ont eu pour conséquence la défaite, aussi rapide qu’inattendue, d’organisations respectées qui, tels les dinosaures, ont été éliminées de la compétition pour ne pas avoir su s’adapter à un environnement en évolution rapide.

Or, il ne fait guère de doute que les systèmes, les types d’opérations militaires, les organisations, les structures adoptés par les forces armées américaines pendant la guerre froide vont devoir être profondément modifiés ou même entièrement renouvelés au cours des prochaines années. S’agit-il d’une révolution militaire qui s’annonce ? Quelles pourraient en être les conséquences ?

Pour tenter d’y répondre, nous chercherons d’abord à préciser ce qu’est, au juste, une révolution militaire. Une fois identifiées ses principales caractéristiques, nous nous attacherons à démontrer que nous sommes bien en fait à l’aube d’une telle révolution ; certains signes avant-coureurs en sont apparus lors de la guerre du Golfe, par elle-même cependant bien loin d’avoir le caractère révolutionnaire que certains lui prêtent. Nous rechercherons ensuite les éléments technologiques, militaires, opérationnels et d’organisation de la révolution qui se prépare, et nous conclurons en analysant les implications qu’elle pourrait avoir pour les États-Unis d’Amérique.